Congres cancerologie pratique
Publié le 09 jan 2023Lecture 4 min
Impact de l’arrêt de l’hormonothérapie pour un projet de grossesse : Résultats de l’étude POSITIVE sur la survie et le pronostic obstétrical
Enora LAAS, chirurgienne en chirurgie sénologique, Institut Curie, Paris
La durée optimale de l’hormonothérapie (HT) a été établie à 5 ans et à 10 ans pour les tumeurs à haut risque. Cependant, cette prise d’HT sur le long terme chez les femmes jeunes compromet le plus souvent les projets de grossesse des patientes avec un antécédent de cancer du sein et des récepteurs aux hormones (RH) positifs. L’objectif de l’étude POSITIVE (Pregnancy Outcome and Safety of Interrupting Therapy for women with endocrine responsIVE breast cancer) était d’évaluer l’impact sur le pronostic de l’in-terruption de l’hormonothérapie pour un projet de grossesse.
D’après la communication de A. Partridge et coll. (Boston, États-Unis). Abstract GS4. Pregnancy Outcome and Safety of Interrupting Therapy for women with endocrine responsIVE breast cancer Initial Results from the POSITIVE Trial (IBCSG 48-14/BIG 8-13/Alliance A221405). San Antonio Breast Cancer Symposium 2022.
Cette étude prospective multicentrique a inclus des patientes non ménopausées avec désir de grossesse, âgées de moins de 43 ans, et ayant pris au moins 18 mois (30 mois maximum) d’HT pour un cancer du sein RH positif de stade 1 à 3.
Trois mois d’attente entre l’arrêt de l’HT et le début des tentatives de conception étaient requis du fait de l’effet tératogène des principales molécules, en particulier le tamoxifène. Les patientes avaient alors 2 ans pour mener leur projet de grossesse (conception, grossesse, accouchement, ± allaitement) puis l’HT était reprise pour compléter la durée manquante. Le suivi était poursuivi pendant 10 ans.
L’objectif principal était la survie sans récidive invasive (locale homolatérale, régionale ou à distance) calculée à partir de l’arrêt de l’HT.
Les objectifs secondaires incluaient l’issue de la grossesse, l’issue néonatale, l’allaitement, le recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), l’observance de l’HT et la survie sans récidive à distance.
Du fait de la difficulté de randomisation dans ce contexte, 1 499 patientes issues des essais SOFT/TEXT ont été étudiées comme groupe contrôle(1,2). Les études SOFT (Suppression of Ovarian Function Trial) et TEXT (Tamoxifen and EXemestane Trial) ont ainsi randomisé des patientes non ménopausées avec un cancer RH positif :
entre tamoxifène, tamoxifène + suppression ovarienne (SO) ou inhibiteurs de l’aromatase (IA) + SO pour SOFT ;
et entre tamoxifène + suppression ovarienne ou IA + SO pour TEXT.
Ces études ont montré d’une part un bénéfice de la SO associée au tamoxifène en termes de survie sans récidive chez les patientes à haut risque (c’est-à-dire ayant reçu de la chimiothérapie) et d’autre part, un bénéfice de l’exémestane associé à la SO par rapport au tamoxifène également sur la survie sans récidive.
Étaient présentés au symposium de San Antonio les résultats de la première analyse planifiée de l’objectif principal (survie sans récidive invasive) et de 2 des objectifs secondaires (pronostic obstétrical et pronostic néonatal).
Les récidives invasives et à distance ne semblent pas augmentées
Entre 2014 et 2019, 516 patientes ont été incluses. L’âge moyen était de 37 ans (27-43 ans) et 387 d’entre elles (75 %) étaient nullipares. Il s’agissait de tumeurs de stades 1 et 2 dans 95 % des cas et 62 % d’entre elles (n = 320) avaient eu de la chimiothérapie. Les patientes avaient pris en médiane 24,3 mois d’HT avant inclusion, majoritairement du tamoxifène (42 %) ou du tamoxifène avec SO (35 %).
Après un suivi médian de 41 mois, 44 récidives invasives (soit une incidence cumulée de 8,9 %) dont 22 récidives à distance (incidence cumulée : 4,5 %) ont été observées.
Par comparaison avec les cohortes SOFT/TEXT, cela représentait une différence de récidive invasive de - 0,2 % (IC 95 % : - 3,2-2,8), un hazard ratio (HR) de 0,81 (IC 95 % : 0,57-1,15) et une différence de récidive à distance de - 1,4 % (IC 95 % : - 3,5) (HR : 0,70 [IC 95 % : 0,44-1,12]).
Les analyses en sous-groupes ne montraient pas de risque significativement supérieur en fonction de l’âge, ni pour les tumeurs de profils plus agressifs (en particulier pour les patientes ayant eu une tumeur HER2 positive ou les grades 3). À noter qu’il existait quand même une tendance à un risque supérieur pour les tumeurs > 5 cm ou avec plus de 4 ganglions atteints.
Le type d’HT (SO ou non) n’impactait pas non plus le risque de récidive.
Figure. Incidence cumulée de récidive invasive (Breast Cancer-Free Interval, BCFI)
et de récidive à distance (Distant Recurrence-Free Interval, DRFI)
dans l’étude POSITIVE et dans les cohortes externes SOFT/TEXT.
La grossesse n’a pas d’impact sur le pronostic
Les auteurs ont ensuite comparé le pronostic des patientes ayant obtenu une grossesse versus celle n’en ayant pas obtenu, en mettant un landmark de 18 mois, pour s’affranchir du risque compétitif de ne pas avoir été enceinte à cause d’un événement, et en ajustant sur l’âge, l’indice de masse corporelle, le statut ganglionnaire, l’antécédent de chimiothérapie ou d’IA.
Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes, soutenant l’hypothèse déjà bien étudiée que la grossesse n’aurait pas d’impact sur le pronostic. Dans la méta-analyse de Lambertini, les patientes ayant obtenu une grossesse avaient une meilleure survie sans récidive (HR : 0,66 ; IC 95 % : 0,49-0,89) et une meilleure survie globale (HR : 0,56 ; IC 95 % : 0,45-0,68) que les patientes sans grossesse(3).
Concernant le pronostic obstétrical, 368 (74 %) patientes ont obtenu une grossesse et 317 (64 %) au moins une naissance vivante (84 % des patientes enceintes).
Ainsi, 70 % des patientes étaient enceintes dans les 2 ans. Les données concernant les grossesses spontanées vs l’assistance médicale à la procréation n’étaient pas présentées. Au total, 92 % (n = 334) des nouveau-nés étaient de poids normal (> 2 500 g) et seulement 2 % (n = 350) présentaient une malformation. Près des deux tiers des patientes ont allaité (62 %).
À 48 mois de l’interruption de l’HT, 76 % des patientes avaient repris l’HT.
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