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Kezaco

Publié le 28 mar 2023Lecture 6 min

La jet-ventilation à haute fréquence en thermoablation percutanée

Antoine DUMOUTIER*, Théophane TROCHU*, Nathalie DESFRICHES-DORIA**, Frédéric DOUANE*, Nicolas GRILLOT**, Romain DUMONT**, Arthur DAVID*

Les techniques de thermoablation percutanée sont progressivement devenues des alternatives validées à la chirurgie pour le traitement de certaines lésions tumorales, notamment pulmonaires, rénales ou hépatiques. Le succès thérapeutique repose en grande partie sur le placement précis des aiguilles de traitement au sein des lésions tumorales. Cependant, ce ciblage peut être limité par les mouvements diaphragmatiques liés à la ventilation mécanique conventionnelle. La jet-ventilation à haute fréquence (JVHF), technique consistant à injecter de petits volumes d’air à une fréquence élevée, permet de réduire les mouvements diaphragmatiques à une simple oscillation. Elle constitue donc une approche intéressante pour faciliter le ciblage et la thermodestruction des lésions tumorales du tronc.

Contexte Les techniques de thermoablation percutanée sont progressivement devenues des alternatives validées à la chirurgie pour le traitement de certaines lésions tumorales, notamment pulmonaires, rénales ou hépatiques(1-4). Un placement très précis des aiguilles de traitement est indispensable, car le succès thérapeutique est directement lié à la destruction de la lésion tumorale et d’une marge circonférentielle de parenchyme adjacent(5). La ventilation mécanique conventionnelle est responsable de mouvements diaphragmatiques potentiellement vecteurs de difficultés de ciblage lésionnel. La JVHF est une technique de ventilation mécanique utilisable sous anesthésie générale, dont l’objectif est de diminuer ces mouvements. Cette méthode a été initialement développée pour les chirurgies ORL, notamment laryngées, permettant de libérer la glotte et de laisser le champ opératoire libre.   Principe La JVHF consiste à injecter de l’air à haute pression et à une fréquence élevée au travers d’un cathéter de petit calibre (diamètre interne ≤ 2 mm) inséré dans une sonde d’intubation orotrachéale, afin de créer dans l’arbre bronchique un flux d’air à haute vitesse assurant l’hématose (figure 1). L’air est expiré passivement au travers de la sonde d’intubation de part et d’autre du cathéter de jet-ventilation. Grâce à cette technique, les mouvements diaphragmatiques sont réduits à une simple oscillation. Figure 1. Représentation schématique d’un cathéter de jet-ventilation au sein d’une sonde d’intubation orotrachéale et des régimes de pression/vitesse d'air injectés dans le cathéter puis émis à sa sortie.   Avantages En stabilisant le mouvement du diaphragme, la JVHF permet de faciliter l’insertion d’aiguilles sous guidage radiologique au sein de cibles situées à proximité du diaphragme (pulmonaires, rénales, hépatiques, surrénaliennes, etc.), tout en sécurisant certains trajets passant à proximité d’organes à risque (cul-de-sac pleural, par exemple) (figure 2). Figure 2. Coupes scanographiques axiales réalisées au cours d’une procédure de thermoablation hépatique sous jet-ventilation.   Plusieurs auteurs ont ainsi décrit l’utilité de la JVHF pour la thermoablation tumorale percutanée(6-8). Dans son étude prospective non comparative, intéressant 66 tumeurs traitées par thermoablation chez 51 patients, Denys et coll. ont rapporté ainsi un mouvement interne très faible de la cible, à 0,3 mm dans les axes X et Y, et sous l’épaisseur de coupe de 3,75 mm dans l’axe Z(6). Buchan et coll. ont eux mené une étude rétrospective comparant 50 patients traités par cryoablation pour une tumeur rénale sous ventilation mécanique conventionnelle à 50 patients traités sous JVHF. La durée d’intervention, le temps et le nombre d’acquisitions nécessaires au placement des cryosondes, ainsi que l’irradiation reçue par le patient étaient significativement plus faibles dans le groupe jetventilation(7). Des résultats équivalents étaient obtenus par l’équipe de Chung et coll., avec une facilitation de la thermoablation pulmonaire scannoguidée sous anesthésie générale avec JVHF versus sédation consciente avec respiration libre(8). Il est intéressant de noter que la diminution des amplitudes respiratoires permise par la JVHF a également montré un intérêt dans d’autres domaines que la radiologie interventionnelle, tels que la radiothérapie stéréotaxique ou la lithotritie extracorporelle.   Sécurité Une des principales préoccupations à propos de la JVHF concerne le risque de barotraumatisme, lié à une surpression dans l’arbre bronchique. En effet, en chirurgie ORL, indication initiale de la JVHF, il peut exister une réduction du calibre des voies aériennes supérieures gênant l’expiration passive de l’air injecté et aboutissant donc à une élévation des pressions à l’origine des complications barotraumatiques. En radiologie interventionnelle cependant, le cathéter de jet-ventilation est placé dans une sonde d’intubation orotrachéale « classique », et l’expiration passive est donc toujours préservée. Dans leur étude prospective monocentrique sur 60 patients traités par thermoablation d’organe sous-diaphragmatique sous jetventilation, avec scanner thoracique pré- et post-intervention, Trochu et coll. n’ont rapporté ainsi aucun incident barotraumatique(9). Une autre complication de la JVHF est liée à l’expiration uniquement passive de l’air, potentiellement à l’origine d’une hypoventilation alvéolaire et de fait une rétention du CO2. Cette perturbation des échanges gazeux a été objectivée par l’équipe de Galmen et coll. dans une étude observationnelle avec gazométrie sanguine chez des patients traités par ablation stéréotaxique sous JVHF. Les auteurs ont rapporté une élévation continue de la PaCO2 avec diminution de la PaO2 pendant la période de JVHF, rapidement réversibles à l’arrêt de celle-ci(10). Dans l’étude de sécurité de la JVHF menée par Trochu et coll., une hypercapnie était mesurée chez 3 patients sur 60 inclus, à chaque fois rapidement réversible après reprise de la ventilation contrôlée et sans conséquence clinique(9). Dans cette même étude, les auteurs ont également observé l’absence d’atélectasie cliniquement significative entre les hélices scannographiques pré- et post-procédure, sur une durée médiane de JVHF de 70 minutes et une variabilité d’installation des patients (63 % de décubitus ventral).   La jet-ventilation en pratique Avant la procédure La demande de jet-ventilation est effectuée par le radiologue interventionnel lors de la prescription de l’intervention, essentiellement pour la thermoablation de cibles tumorales du tronc dont le ciblage sera potentiellement altéré par les mouvements diaphragmatiques. La faisabilité de la jet-ventilation est validée lors de la consultation anesthésique préinterventionnelle, certains patients pouvant être écartés en raison d’une insuffisance respiratoire obstructive chronique sévère, d’une obésité sévère, d’un pneumothorax ou d’une chirurgie pulmonaire récente(6). Une revalidation multidisciplinaire est effectuée lors du staff de programmation hebdomadaire. Il est important de noter que pour pouvoir bénéficier des avantages de la JVHF en thermoablation, il est recommandé que la maîtrise de la technique anesthésique ne repose pas sur un nombre restreint de praticiens. Denys et coll. ont ainsi rapporté que 10 % des patients dans leur étude n’avaient pu être traités sous JVHF faute de disponibilité d’un anesthésiste maîtrisant cette méthode ventilatoire(6). Intéresser et impliquer le département d’anesthésie dans la prise en charge de ces patients est un point obligatoire pour pouvoir proposer cette technique en routine. Pendant la procédure Une check-list spécifique à la JVHF est systématiquement remplie par l’équipe prenant en charge le patient, qui y notifie tout d’abord le type d’intervention (et le positionnement du patient), les caractéristiques du patient (poids, taille, antécédents respiratoires, score ASA) et la préparation du matériel (taille de la sonde d’intubation, étapes de mise en place du cathéter de jet). Le patient est initialement placé sous ventilation contrôlé et une manœuvre de recrutement alvéolaire est effectuée. Une hélice scannographique centrée sur la bifurcation trachéale est réalisée, permettant de vérifier la non-sélectivité de la sonde d’intubation, ainsi que la bonne position du cathéter de JVHF au sein de la sonde (risque de lésion traumatique des parois trachéobronchiques en cas d’extrémité du cathéter dépassant la sonde) (figure 3). Si tous les critères sont réunis, la JVFH peut être démarrée et les réglages ventilatoires sont renseignés (pression de travail, fréquence respiratoire, FiO2). La JVHF peut être stoppée à tout moment de l’intervention, le patient est alors ventilé de manière conventionnelle (mode volume contrôlé). Ces pauses peuvent notamment permettre à l’équipe anesthésique d’effectuer des mesures de capnie exhalée, le monitorage de celle-ci n’étant pas réalisable tant que la JVHF est en cours. Chaque pause de JVHF est renseignée sur la check-list, accompagnée de son motif et de sa durée. En fin d’intervention, le patient est placé en ventilation contrôlée et une manœuvre de recrutement peut être réalisée si besoin. Figure 3. Hélice scanographique en reconstruction coronale oblique pour contrôle du positionnement de la sonde d’intubation orotrachéale (flèche noire : non sélective) et du cathéter de jet-ventilation (flèche blanche : au sein de la sonde orotrachéale) avant de débuter une procédure de thermoablation.   Pour en savoir plus sur les formations : https://catalogueformation.chu-nantes.fr/soins-et-techniques-specifiques/44-radiologie-interventionnelle-techniques-parcours-patient-et-jet-ventilation-haute-frequence-.html  

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