Publié le 29 juin 2022Lecture 9 min
La formation en radiologie interventionnelle en France
Jean-Paul BEREGI*, Pascal CHABROT**, *Radiologue, CHU de Nîmes, Université de Montpellier, **Radiologue, CHU de Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne
La radiologie interventionnelle en France débute dans les années 1960 avec l’embolisation artérielle pour se développer jusqu’à ce jour pour des applications vasculaires, oncologiques, musculo-squelettiques, que ce soit en urgence ou en programmé. Née des contre-indications chirurgicales, la radiologie interventionnelle est maintenant proposée en complément, voire en substitution à la chirurgie ou au traitement médical, en fonction des indications.
Définitions
La radiologie interventionnelle
Les activités interventionnelles réalisées avec guidage et contrôle de l’imagerie médicale comprennent l’ensemble des actes médicaux à but diagnostique ou thérapeutique réalisés par accès transorificiel, transpariétal ou intraluminal transpariétal, portant sur une ou plusieurs cibles inaccessibles dans des conditions de qualité et de sécurité satisfaisantes sans utiliser un moyen de guidage par imagerie.
La neuroradiologie interventionnelle
L’activité interventionnelle sous imagerie médicale en neuroradiologie concerne les actes diagnostiques et thérapeutiques qui portent sur la région cervico-céphalique et médulo-rachidienne, et qui sont réalisés par voie endovasculaire ou percutanée, hors localisation ostéo-articulaire. Les actes portant sur la thyroïde ne sont pas concernés.
L’exercice de cette spécialité
La radiologie interventionnelle est une spécialité soumise à autorisation de soins pour la neuroradiologie interventionnelle, la radiologie interventionnelle vasculaire et oncologique, comme la cardiologie interventionnelle. La spécialité bénéficie du programme d’accréditation individuelle ou d’équipes, qui a débuté en 2019. De nombreux actes existent et se créent chaque année avec l’apparition de nouveaux dispositifs médicaux validés par la CNEDIMTS, le CEPS (HAS) et les indications qui en émergent.
Les radiologues travaillent maintenant dans des blocs de radiologie interventionnelle qui sont équipés de salles multimodales (rayonnement ionisant, échographie, scanner, IRM). Les radiologues effectuent des consultations pré- et post-interventionnelles. Ils s’occupent de lits en hôpital de jour, de semaine ou conventionnel, et travaillent avec les réanimateurs dans des unités de soins intensifs radiologiques.
Ils assistent aux RCP et sont en contacts réguliers avec les correspondants médicaux, chirurgicaux, pharmaciens, ingénieurs biomédicaux, etc. Ils sont dans les soins associés aux manipulateurs en radiologie qui peuvent se spécialiser en radiologie interventionnelle, avec des possibilités de coopération autour de la pose de voies veineuses centrales (PICC line).
Démographie et activité
Tous les radiologues (environ 8 500 médecins) sont formés à des actes de radiologie interventionnelle. Les radiologues effectuent de nombreuses biopsies, infiltrations, drainages, etc. Les actes d’embolisation, de dilatation, de cimentoplastie, de destruction tumorale... sont l’apanage de centres spécialisés. On observe ainsi 305 centres de radiologie interventionnel, 45 de neuroradiologie interventionnelle, et 1 912 radiologues interventionnels effectuant des actes spécialisés. Les actes les plus caractéristiques sont les ponctions profondes et superficielles, les actes thérapeutiques pour le cancer (destruction tumorale foie, os, rein, poumon, etc.), les chimio-embolisations, les angioplasties et les embolisations artérielles et veineuses (en urgence ou non), ainsi que les thrombectomies cérébrales, les embolisations, les anévrismes intracérébraux, les embolisations de fistules durales, les angioplasties de vasospasme, les vertébroplasties, etc. À cela se rajoute les accès vasculaires (chambres implantables, cathéters centraux, PICC, etc.), digestifs (gastro- et jéjunostomie) ou urinaires (néphrostomie et sonde double J), la récupération de corps étranger intravasculaire et filtre cave.
Le Collège de radiologie
La formation initiale est assurée par les enseignants de radiologie qui s’organisent autour du Collège des Enseignants de Radiologie de France (CERF). Le Collège travaille comme une Haute École de Radiologie, c’est une institution internationale et solidaire, partenaire pour la recherche multicentrique et l’innovation en radiologie et imagerie médicale. Les deux missions principales du Collège sont de former les radiologues de demain avec de solides connaissances et compétences, et en nombre suffisant, ainsi que de promouvoir la recherche en radiologie et en imagerie médicale pour développer les pratiques et outils innovants au bénéfice des patients. Le Collège regroupe plus de 400 membres enseignants et 1 300 internes DES de radiologie et imagerie médicale. Plus de 100 radiologues étrangers suivent les cours avec des partenariats internationaux avec Madagascar, le Liban et d’autres pays et enseignants étrangers. Plus de 74 modules de cours sont disponibles et des cursus de phase socle, approfondissement et consolidation, font appel à ces modules qui ont été conçus par les enseignants de la spécialité.
Enseignant de la radiologie interventionnelle
L’enseignement de la radiologie interventionnelle fait partie des modules de base et des 10 modules de spécialités radiocliniques (radiologie thoracique, urologique, cardiovasculaire, pédiatrique, ORL, digestive, musculosquelettique, sénologique, neuroradiologie, imagerie de la femme) que nous enseignons dans le Collège. Tous les radiologues doivent maîtriser les actes interventionnels dits de base de la radiologie (radiologie interventionnelle générale).
Avec la réforme du 3e cycle (figure 1), une seule option a été créée pour notre spécialité, à savoir l’option de radiologie interventionnelle avancée (RIA). Cette option de 2 ans, rajoute une année supplémentaire aux 5 ans du DES de radiologie et imagerie médicale, et comporte une formation pratique et théorique, dispensée au cours des 2 ans de stages hospitaliers réalisés dans des terrains de stages agréés. Les 2 ans sont contigus entre la phase de consolidation et l’année supplémentaire.
L’étudiant peut passer deux fois de suite dans le même lieu de stage ; si l’offre insuffisante sur l’UFR ou la région est établie, il peut, avec dérogation et justificatifs, effectuer un interCHU ou un stage à l’étranger (exemple : des internes des DOM-TOM).
Figure 1. Description des formations dans le 3e cycle des études médicales.
La radiologie et l'imagerie médicale est validée après 5 ans de parcours incluant la radiologie interventionnelle (RI) générale,
l'option RIA est validée sur 2 ans incluant la dernière année du DES,
phase de consolidation et une année supplémentaire (docteur junior pendant 2 ans).
• Formation RIA et connaissances
L’étudiant qui choisit volontairement l’option RIA doit suivre 7 modules de base et 6 modules spécialisés sur 22 disponibles pendant les 2 ans. Des parcours parmi les modules spécialisés (figure 2) sont organisés en fonction de ces souhaits entre radiologie interventionnelle oncologique et douleur (RIO), radiologie interventionnelle vasculaire et urgences (RIV) et neuroradiologie interventionnelle (NRI). Si l’étudiant effectue 5 modules de surspécialité (figure 3) et un module optionnel parmi ceux conseillés, il accède à la possibilité d’une mention attribuée par le Collège.
Figure 2. Description schématique de l’option de radiologie interventionnelle avancée (RIA) dans le DES de radiologie et imagerie médicale
avec les 3 mentions possibles en fonction des cours et stages effectués.
Les mentions (NRI : neuro-radio-interventionnelle ; RIV : radiologie interventionnelle vasculaire et urgence ; RIO : radiologie interventionnelle en oncologie et douleur)
ne sont pas exclusives et comprennent des cours, des stages, des participations aux formations avec simulation, un travail collectif, un lien avec une Société d’organe.
Figure 3. Description des modules spécialisés qui sont proposés parmi les 22 modules de l’option RIA,
mention radiologie interventionnelle en oncologie (RIO) et douleur.
• Formation RIA en stages pour l’acquisition des compétences
L’étudiant qui s’oriente vers l’option doit effectuer ses 4 stages de 6 mois dans des sites reconnus comme pouvant valider l’option de radiologie interventionnelle. Ce sont les coordonnateurs en radiologie qui valident avec les enseignants universitaires les lieux sur la base d’une visite et d’un rapport d’activités et d’encadrement. Le site doit pouvoir justifier d’un nombre suffisant d’actes de radiologie interventionnelle avancée et d’un enseignement sur le terrain (compagnonnage).
Les régions et les organisations nationales s’organisent (École de la thrombectomie, École de l’embolisation) pour proposer des ateliers sur simulateurs numériques, des ateliers de simulation en présentiel, des ateliers sur animaux pour que le principe de « jamais sur un patient pour la première fois » soit respecté.
Des échanges d’expérience au travers de site spécialisés, de réseaux sociaux se sont également organisés pour accompagner les jeunes radiologues interventionnels.
Un lien avec les Sociétés d’organe est aussi réalisé afin d’assister aux journées qu’elles organisent et de participer aux activités proposées.
Enfin, un travail sur la thématique de la radiologie interventionnelle est demandé en sus de la thèse pour pouvoir valider l’option. Ce travail peut être un travail de recherche, d’enseignement ou organisationnel. L’option est approuvée sur quatre critères indépendants :
– valider les 4 stages avec pratique d’actes spécialisés (nombre, qualité, aptitude à offrir des soins en radiologie interventionnelle) ;
– avoir suivi la totalité des modules de base ainsi que les modules spécialisés en RIA, et participé aux ateliers de simulation ;
– être actif junior d’une Société d’organe (inscription, participation, ateliers démontrant son engagement collectif) ;
– avoir produit un travail scientifique, pédagogique ou organisationnel dans le domaine de la radiologie interventionnelle.
Le coordonnateur local est le garant des bonnes pratiques, en lien avec sa faculté et le Collège. Ces critères spécifiques viennent compléter la thèse et le mémoire. Un jury régional évalue l’ensemble des critères de manière annuelle.
Classification des actes de radiologie interventionnelle
La spécialité a travaillé sur les 703 actes de radiologie interventionnelle et 170 groupes pour identifier les actes accessibles à tous les radiologues (actes dits de radiologie interventionnelle générale) de ceux qui seront possibles que pour les radiologues qui suivront la formation optionnelle de RIA (actes dits de radiologie interventionnelle avancée). Dans l’option, les étudiants doivent effectuer un certain nombre d’actes spécialisés par an en seconde position puis en première position en tant qu’opérateur (sous la surveillance d’un senior). Le décompte des actes est facilité par un portfolio mis à disposition de l’interne permettant de comptabiliser les actes ; les déclarations sont validées par le senior du stage. L’ensemble des parcours sont sous la super- vision du coordonnateur local, voire du national si besoin.
Focus sur l’enseignement en radiologie interventionnelle
Enseignement socle de radiologie interventionnelle
• Formation à la qualité et à l’accréditation en équipe :
– gestion des risques ;
– gestion de la sécurité ;
– radioprotection en scanner et fluoroscopie
– interventionnelle.
• Formation à la relation patient/annonce
• Formation aux RCP
• Formation aux RMM
• Formation à la consultation
• Formation gestion de l’hospitalisation
• Formation aux médicaments en radiologie interventionnelle
• Formation aux dispositifs médicaux (DM et DMI)
Enseignement des techniques des actes de radiologie interventionnelle
• Les modules de bases incluent des cours sur la formation Actes.
• Les modules incluent la formation sur la pertinence par indication et le suivi ; ils incluent les avantages et limites des actes de radiologie interventionnelle par rapport aux autres stratégies de soin.
Enseignement de la radiologie et imagerie pour la pratique de la radiologie interventionnelle
• La connaissance de la radiologie prime devant le geste en radiologie interventionnelle :
1. Connaissance de la radiologie (VP, FN, FP, etc.) et des indications ;
2. Repérage/cartographie pré-interventionnelle ;
3. Guidage : point entrée vers la cible/modifications avec la respiration et mouvements du patient : quand réaliser une nouvelle imagerie sur table, par exemple ;
4. Contrôle de l’acte sous radiologie avec connaissance des artefacts et limites de la radiologie ;
5. Vérification de l’absence de complication par imagerie ;
6. Contrôle radiologique post-opératoire ; les images post-opératoires sont complètement différentes des pathologies classiques : reconnaître la nécrose d’une infection, la récidive d’une lésion stable sont des notions parfois très complexes à identifier.
• Un point particulier sur l’enseignement des robots en radiologie interventionnelle : ces derniers participeront à notre environnement (ou y participent déjà en expérimental), ils nous aident/aideront à l’acte et au guidage mais pas à l’analyse des informations données par la radiologie.
• Un point particulier est également abordé concernant les collaborations avec les autres spécialités, notamment les chirurgiens. Des interventions peuvent être communes même si ce n’est pas la majorité.
Radiologie interventionnelle et formation internationale
Les radiologues français participent activement à la Société européenne de radiologie interventionnelle, dont le président actuel est d’ailleurs français – le Pr Afshin Gangi à l’hôpital civil de Strasbourg. Cette société européenne (CIRSE) compte plus de 9 000 membres en Europe et à l’international (la SIR, société américaine adhérente au CIRSE) ; il s’agit de la plus grande société de radiologie interventionnelle mondiale qui organise trois événements internationaux par an (CIRSE, ET, ECIO) pour l’éducation et pour développer l’innovation. Cette société supporte des études multicentriques dont certaines sont portées par des Français et édite des recommandations de bonnes pratiques (Syllabus). Elle donne des labels qualité pour des centres de radiologie interventionnelle spécialisés en oncologie (IASIOS, International Accreditation System for Interventional Oncology Service). Elle organise un diplôme européen pour attester le niveau des radiologues interventionnels (EBIR).
Pour en savoir plus :
Formation initiale offerte par le Collège des enseignants de radiologie de France : https://cerf.radiologie.fr/
Société de radiologie : http://www.sfrnet.org/
Société européenne de radiologie interventionnelle : https://www.cirse.org
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