publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Kezaco

Publié le 03 oct 2022Lecture 4 min

Électroporation irréversible : attention quand même !

Julien GARNON, Jean CAUDRELIER, Roberto Luigi CAZZATO, Pierre AULOGE, Afshin GANGI, service d’imagerie interventionnelle, CHU de Strasbourg

L’électroporation irréversible (IRE) est une modalité d’ablation non thermique qui a pour principal avantage de préserver l’architecture des tissus conjonctifs, laissant à ces tissus la possibilité de repousser ad integrum. Cette technique est ainsi surtout utilisée au niveau du foie et du pancréas pour ablater des lésions proches des voies biliaires ou du tube digestif, ce afin d’éviter les risques de sténose biliaire et de perforation digestive.

▸ La problématique   Une patiente de 55 ans atteinte d’une tumeur de la granulosa de l’ovaire (cancer à croissance lente) était adressée dans le service de radiologie interventionnelle pour la prise en charge éventuelle de deux métastases mésentériques en augmentation de taille, les autres lésions cibles étant stables. L’oncologue souhaitait éviter de reprendre une chimiothérapie compte tenu de l’absence de progression diffuse et du bon pronostic à court terme de la maladie. Une nouvelle chirurgie d’exérèse a été exclue en raison des adhérences liées aux multiples laparotomies antérieures. L’analyse du scanner diagnostique montre des lésions mésentériques de 2,5 cm (fosse iliaque droite) et 4 cm (flanc gauche), difficiles d’accès et à proximité d’anses digestives. Un essai de refoulement par hydrodissection et compression externe a montré son inefficacité, probablement en raison de l’inefficacité relative de l’hydrodissection dans le mésentère mais également des adhérences. Afin de pouvoir traiter cette patiente tout en limitant les risques de perforation digestive mais aussi d’atteinte de l’uretère, il a été décidé de réaliser une IRE. Ce geste a été malheureusement reporté plusieurs fois en raison de l’épidémie de Covid-19. Et les lésions avaient grossi lorsque la patiente a pu finalement être prise en charge…   ▸ L’intervention   Le geste a été réalisé sous anesthésie générale en salle de scanner interventionnel. Le scanner de repérage a montré que les lésions ciblent mesuraient maintenant 3 cm (fosse iliaque droite) et 5 cm (flanc gauche) de plus grand axe. Après avoir un temps pensé à ne pas faire le geste, il a été finalement décidé d’aller jusqu’au bout. La lésion en fosse iliaque droite a été traitée avec 4 aiguilles d’IRE placées de manière parallèle et équidistante par voie latérale (figure 1 A-C) après une phase de test et selon le protocole établi par le constructeur. Au vu de sa taille, la lésion du flanc gauche était a été abordée par une combinaison d’IRE (pour la partie haute à proximité de l’anse grêle) et de cryoablation (pour la partie inférieure située plus à distance du tube digestif). L’ablation par IRE à ce niveau a été réalisée avec 5 aiguilles selon le protocole constructeur avec deux niveaux d’impacts (ablation profonde puis superficielle) (figure 1 D-G). La durée totale d’intervention a été de 7 heures. ▸ Les suites post-interventionnelles   Les suites ont été marquées par des douleurs abdominales et de la fièvre à J1, interprétées comme liées à l’intervention. Devant l’aggravation des symptômes malgré un traitement antalgique bien conduit, un scanner abdomino-pelvien injecté a été réalisé à J2. Celui-ci a retrouvé un aspect de nécrose focale de l’anse sus-jacente à l’IRE au niveau du flanc gauche (figure 2 A-B). La laparotomie en urgence a retrouvé une nécrose focale de l’anse mais compte tenu des adhérences, seul un abouchement du grêle à la peau, avec mise en place d’une sonde de Pezzer pour drainer le liquide digestif a été possible (figure 2 C). Cela a permis une cicatrisation progressive et une fermeture complète du tube et de la peau au bout de 7 mois (figure 2 D-F). Aucune complication n’a été notée à droite. Le scanner 8 mois après a montré une nécrose complète à droite et une disparition de la masse à gauche. ▸ Que s’est-il passé ?   Bien que réputé non thermique, l’IRE entraîne une augmentation focale de la température autour des aiguilles avec une zone de nécrose de coagulation retrouvée dans les études animales dans les quelques millimètres entourant l’extrémité active des électrodes. Vu le caractère très focale de la nécrose digestive, l’hypothèse la plus probable est celle d’une lésion thermique et non celle d’une ischémie par atteinte du pédicule vasculaire de l’anse (mécanisme décrit chez l’animal) qui aurait entraîné une nécrose plus circonférentielle.   ▸ Comment aurait-on pu l’éviter ?   La manière la plus sûre d’éviter la complication était bien évidemment de surseoir au geste. La patiente a été prévenue en amont du risque de perforation et a donné son consentement. Néanmoins, les suites ont été particulièrement longues et peut-être aurait-il été plus sage de ne pas faire cette ablation très compliquée. La relecture des images montre que les deux aiguilles d’IRE les plus supérieures étaient très proches de l’anse digestive. Une marge de sécurité de 5 mm aurait pu permettre d’éviter que l’élévation thermique autour des aiguilles se propage à l’anse grêle ; cela potentiellement au détriment de la marge oncologique, la zone d’irréversibilité de l’électroporation en dehors des aiguilles étant quasiment inexistante.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 2
  • >