Publié le 03 oct 2022Lecture 5 min
La réforme de la CCAM : qu’en attendre pour les actes de radiologie interventionnelle ?
Sophie AUFORT, Clinique du parc, Groupe CRP, Castelnau-le-Lez
En septembre 2018, un travail sur la pertinence et la qualité des actes a été mis en oeuvre par le ministère au sein de la stratégie « Ma santé 2022 », afin de replacer le patient au coeur du soin. C’est ainsi que le projet de révision de la CCAM (Classification commune des actes médicaux) a été lancé avec la volonté d’une mise à jour des nomenclatures et de la classification générale des actes professionnels.
▸ La Classification commune des actes médicaux (CCAM)
Il s’agit d’une nomenclature française, créée en 2005, qui répertorie une liste commune d’actes techniques médicaux permettant de décrire l’activité médicale dans le secteur public et le secteur privé, pour les soins dits de ville et les soins en établissement. Elle a mis en place un système de codification commun de tarification pour tous les actes permettant l’allocation des ressources aux établissements et aux professionnels de santé libéraux. Il existe 67 versions de la CCAM depuis sa création. Au total, 13 295 actes sont inscrits dans la CCAM. En 2020, 14 milliards d’euros d’honoraires sans dépassement totaux ont été facturés dans le secteur privé.
▸ Le Haut Conseil des nomenclatures (HCN)
Il a été créé en décembre 2020 par arrêté du ministre en charge de la Santé et des Solidarités, pour une durée de 3 ans (renouvelable une fois). Le HCN joue un rôle de coordination des acteurs dans cette révision, pilote l’ensemble des travaux en étant garant de leur caractère scientifique et de leur indépendance. En mai 2021, l’installation du HCN a été instaurée après publication d’un arrêté. Il est constitué de 12 membres ayant une voix délibérative (un président et un vice-président ; 4 médecins du secteur public ; 4 médecins du secteur privé ; un économiste de la santé et un médecin de santé publique). Le président du HCN est le Pr Francois Richard (PU-PH d’urologie, ancien chef de service de la Pitié-Salpêtrière, ancien président de l’AFU), et le vice-président est le Dr Christian Espagno (ancien neuro-chirurgien, à la clinique des cèdres à Toulouse, ancien directeur associé de l’ANAP).
Les partenaires principaux du HCN dans ce travail de révision sont de deux types, conventionnels et institutionnels.
Pour les partenaires conventionnels, il s’agit des médecins de la CHAP (Commission de hiérarchisation des actes et prestations) : celle-ci a validé la proposition du HCN concernant la méthode de hiérarchisation des actes et doit ensuite émettre un avis sur les rapports du HCN relatifs à la description et à la hiérarchisation de l’acte, ainsi qu’organiser les cellules d’interprétation en cas de désaccord des experts.
Pour les experts institutionnels, trois partenaires sont représentés dans ce travail de révision : les différents Conseils nationaux professionnels (CNP), la HAS (Haute Autorité de la santé) et l’ATIH (Agence technique de l’information sur l’hospitalisation).
▸ Notre Conseil national professionnel (CNP)
Il réunit des professionnels issus des différents organismes représentatifs de la spécialité. Une réunion inaugurale concernant les travaux sur la radiologie a eu lieu en mars 2022 (avec un décalage par rapport au planning initial du HCN). Notre CNP a nommé un nombre conséquent d’experts afin de réaliser ce laborieux travail ; le comité clinique de radiologie est piloté par le Pr Michel Nonent avec deux sous-groupes pilotés par le Dr Christian Fortel (radiologie diagnostique) et par le Dr Sophie Aufort (radiologie interventionnelle). Au sein de ses deux sous-comités, des experts radiologues ont été nommés par la CNP avec validation du Haut Comité à la nomenclature, avec une parité privé-public. Le HCN a cependant décidé de disperser les actes de radiologie dans plusieurs comités cliniques, les actes étant réalisés par des radiologues et non radiologues. Ainsi, le Pr Jean-Michel Bartoli est le référent d’un grand comité clinique regroupant des actes d’embolisations-dilatations-fibrinolyse, qui sont réalisés par différentes spécialités. D’autres actes sont également dispersés dans d’autres comités cliniques, qui ne sont pas pilotés par un référent radiologue. Pour exemple, les actes d’infiltrations sont situés au sein d’un comité clinique « Traitement de la douleur » piloté par le Dr Sylvie Jesser-Cognioul, médecin généraliste. Cette dispersion des actes ne facilite pas le travail de notre profession, mais notre CNP a demandé la présence de radiologues dans chacun de ces comités cliniques comportant des actes de radiologie. Le HCN a organisé la répartition des actes de la CCAM au sein de 31 familles mono-spécialités (dont la radiologie) et de 12 familles pluri-spécialités (dont le comité « Embolisation-dilatation-fibrinolyse ») !
De façon pratique, les missions de notre comité clinique sont d’identifier un ou plusieurs actes de référence dit « actes repères » qui permettront la hiérarchisation de tous les actes et d’émettre un avis pour chaque acte en révisant tous les libellés. Chaque acte sera ensuite, comme aujourd’hui, porteur d’un « score travail » prenant en compte le stress, l’effort mental, le temps de travail et les compétences techniques nécessaires. Ce travail médical est indépendant du coût de la pratique, concernant le personnel, les loyers, et les équipements.
La valorisation des séjours (pour payer nos matériels coûteux) n’est pas l’objet des compétences de la CNAM ni de notre groupe de travail ; l’ATIH est en relation avec le CNAM et nous espérons que les travaux de description exhaustive des gestes permettront d’ouvrir des voies vers une révision des GHS.
Le travail est considérable pour les experts, la méthode de hiérarchisation de la CCAM étant très complexe à appréhender, voire nébuleuse. Toute la complexité réside dans l’apparition, depuis l’ancienne version, de nouvelles modalités de traitement, et de nombreux modes de guidage comme le CBCT, l’utilisation de la fusion en temps réel pour exemple. Nombres d’actes de RI ne présentent actuellement qu’un seul mode de guidage possible inscrit à la CCAM. D’autres existent mais n’ont aucune valorisation financière. Les méthodes de classification de nos actes de RI sont souvent désuets ne prenant pas en compte les innovations technologiques, de matériel (agents d’embolisation, techniques de cathétérisme, voies d’abords, méthodes de planification).
▸ Pour conclure
Cette révision nous offre cependant la possibilité d’un passage et d’une validation plus rapide des actes manquants à la HAS, du fait d’un souhait du HCN de rendre compte de l’activité réelle actuelle des acteurs de santé. Elle ne nous dédouane cependant pas de remplir des « fiches d’engagement pour demander l’inscription d’acte manquant dans la CCAM » pour lesquelles le travail ne pourra pas être réalisé que par les experts du groupe actuel, tant la charge de travail est importante. D’autres radiologues référents dans des domaines d’expertise au niveau national devront donner de leur temps pour enfin voir apparaître des codages à la CCAM. Les sociétés d’organe seront probablement mises à contribution.
Ce travail initial de « dépoussiérage » est indépendant de la phase de valorisation finale qui aura lieu à l’occasion de négociations conventionnelles entre les syndicats et l’UNCAM, les prochaines ayant lieu fin 2022 (elles se font tous les 5 ans avec des avenants dans l’intervalle). Il s’agira alors d’un fort acte politique de notre profession, de pousser les syndicats à une valorisation juste de la radiologie interventionnelle.
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