Cancers du sein
Publié le 28 avr 2023Lecture 5 min
Actualité de la prise en charge des cancers du sein triple négatifs au congrès de Saint-Paul
D’après une interview de Gilles Freyer (CHU de Lyon)
Le 21e Cours francophone supérieur sur les cancers du sein et les cancers gynécologiques s’est tenu à Cannes du 11 au 14 janvier derniers. Comme chaque année les recommandations de prise en charge du cancer du sein ont été actualisées. Gilles Freyer précise celles retenues pour le traitement du cancer triple négatif.
Le cancer du sein triple négatif représente environ 15 % de l’ensemble des 56 000 à 58 000 cancers du sein diagnostiqués chaque année en France et, pour plusieurs raisons, ils sont connus pour être de mauvais pronostic. En raison d’une biologie plus « agressive », ces cancers récidivent plus fréquemment après chirurgie, ils sont plus souvent à l’origine de métastases, notamment de métastases cérébrales. Ainsi, il n’est pas rare de diagnostiquer un cancer triple négatif d’assez petite taille, par exemple T1 (< 2 cm), avec d’emblée un envahissement ganglionnaire, voire des métastases. Par ailleurs, jusqu’à une période récente, la chimiothérapie cytotoxique était le seul traitement systémique indiqué dans les cancers triple négatifs. Heureusement, au cours de ces 5 dernières années, de nouveaux traitements ont émergé comme nous allons le voir.
On sait toutefois que les cancers triple négatifs forment un ensemble hétérogène impliquant des pronostics et des choix thérapeutiques différents. Par exemple, certaines tumeurs médullaires ou apocrines qui expriment des récepteurs aux androgènes, ont un meilleur pronostic. Pour un cancer au stade local répondant à ces critères, il arrive qu’une chimiothérapie adjuvante ne soit pas indiquée. Des séries rétrospectives ont également montré que certaines tumeurs très infiltrées par des lymphocytes immunocompétents (dits TIL pour Tumor Infiltrating Lymphocytes) seraient de bon pronostic et ne nécessiteraient pas de chimiothérapie. Pourtant aujourd’hui, contrairement au stade précoce, il faut un score PD-L1 ≥ 10 en situation métastatique pour que l’immunothérapie puisse être prescrite en première ligne. Ces points ont été débattus au congrès de Saint-Paul et constituent certaines des nouveautés de cette année.
Prise en charge
Première ligne
Le traitement néoadjuvant a été marqué par l’émergence du pembrolizumab en association à la chimiothérapie en préopératoire. Ce traitement est aujourd’hui disponible en accès précoce et délivré quel que soit le score PD-L1, ce qui est différent du stade métastatique où le pembrolizumab ne fonctionne que chez les femmes PD-L1 positif. Après l’intervention, la patiente poursuit le traitement par pembrolizumab seul. Dans l’étude Keynote-522, cette stratégie thérapeutique a déjà montré, après un suivi de 24 mois, un bénéfice de l’ordre de 8 % en termes de survie sans récidive SSR) par rapport à la chimiothérapie seule.
En situation adjuvante, l’étude OlympiA a montré l’efficacité de l’olaparib en traitement de première ligne à un stade localement avancé (stade II et III), ou en néoadjuvant en cas de réponse insuffisante à la chimiothérapie, à la fois pour diminuer le risque de récidive et améliorer la survie globale.
En situation métastatique chez des patientes qui ont déjà été traitées et chez lesquelles la maladie progresse, le pembrolizumab a fait la preuve de son efficacité en association à la chimiothérapie. Dans l’étude Keynote-355, ce traitement n’était efficace qui si le score combiné CPS, qui teste le PD-L1 à la fois sur les cellules tumorales et les cellules immunitaires, était ≥ 10, ce qui en constitue maintenant l’indication.
Pour les patientes présentant une mutation somatique de BRCA1/2 et qui, en cas de cancer du sein, ont une tumeur triple négative dans la moitié des cas, l’olaparib et le talazoparib sont efficaces au stade métastatique dès la première ligne thérapeutique ou, plus classiquement, en deuxième ligne après une chimiothérapie.
Autant il y a quelques années nous avions peu de choix thérapeutiques pour ces patientes, autant l’arrivée de ces molécules peut aujourd’hui soulever des questions de choix à débattre en RCP, dans certaines situations cliniques. Ainsi, l’une des questions débattues au cours du congrès de Saint-Paul a été de savoir s’il était possible, chez une patiente au stade métastatique qui a reçu une chimiothérapie efficace, de passer directement à l’olaparib en traitement de maintenance, et non seulement en cas de progression ultérieure.
Deuxième ligne
En deuxième ligne, nous avons là aussi des innovations thérapeutiques. D’abord le sacituzumab govitecan qui est un anticorps conjugué. Il s’agit d’un anticorps anti-TROP2, une protéine fréquemment exprimée par les cellules des tumeurs triple négatives — mais pas seulement —, qui va vectoriser et transporter au niveau de la tumeur des molécules de chimiothérapie, qui sont des inhibiteurs de topoisomérase 1. Dans l’étude ASCENT, cet anticorps conjugué a fait preuve d’une efficacité dès la deuxième ligne métastatique, significativement supérieure à celle des chimiothérapies standards.
L’autre option thérapeutique à ce stade est également un anticorps conjugué, le trastuzumab deruxtecan, mais qui est cette fois dirigé contre les récepteurs HER2 seulement lorsque ceux-ci ont un score 1 ou 2 en immunohistochimie, sans amplification du gène, autrement dit lorsqu’ils sont FISH négatifs. On parle dans ce cas de tumeurs « HER2 faibles ». L’étude DESTINY-Breast04 a montré que ce traitement est supérieur en deuxième ligne aux autres chimiothérapies. Il faut toutefois rester prudent en ce qui concerne les cancers triple négatifs car, dans DESTINY-Breast04, la majorité des patientes étaient RH+ et seulement une petite proportion d’entre elles étaient RH-. Le niveau de preuve avec trastuzumab deruxtecan est donc inférieur à celui obtenu avec le sacituzumab govitecan, dans cette population de tumeurs triple négatives.
Suivi des patientes au stade métastatique
Ce qui a changé dans le suivi de ces patientes en situation métastatique, c’est d’abord la prolongation très nette de leur survie. Les plus privilégiées sont sans doute celles qui présentent une mutation de BRCA1/2 et qui vont bénéficier d’un traitement par inhibiteurs de PARP, dont la tolérance est le plus souvent excellente et chez lesquelles nous observerons certainement des rémissions parfois très prolongées (plusieurs années). Cela sera aussi probablement le cas de celles qui reçoivent des anticorps conjugués, mais nous n’en aurons la confirmation que dans les prochaines années. En effet, les séries dont nous disposons depuis 20 ans montrent que la médiane de survie globale est de 14 mois au stade métastatique. Aucune amélioration de ces chiffres n’a été constatée en 2 décennies. Avec ces nouvelles thérapeutiques, nous pouvons espérer un doublement de la survie globale pour certaines patientes qui auront, nous l’espérons, des rémissions très prolongées. On pourra ainsi se poser d’autres questions, comme celles concernant la gestion des métastases cérébrales. Faut-il les rechercher systématiquement ? En effet, si la survie est prolongée, on sait que les nouvelles molécules sont actives sur les lésions cérébrales, ce qui nous incitera à avoir une nouvelle ambition thérapeutique pour ces patientes en deuxième et troisième ligne de traitement.
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