Publié le 04 nov 2024Lecture 4 min
SFORL | Cancer de la thyroïde, une place grandissante de la lobectomie
Denise CARO, Boulogne-Billancourt
Depuis une vingtaine d’années les recommandations nationales et internationales pour la prise en charge des cancers de thyroïde évoluent avec des chirurgies moins radicales et davantage personnalisées dans l’idée de préserver la qualité de vie et la fonction thyroïdienne.
« Contrairement à la plupart des cancers ORL, dans le cancer de la thyroïde, il y a une dissociation entre la maladie clinique et l’atteinte histologique, a expliqué le Pr Alexandre Bozec (Nice). L’envahissement d’un ganglion n’a pas le même pronostic péjoratif que dans les autres cancers ORL ».
Les cancers pour lesquels on se pose la question d’une lobectomie ou d’une thyroïdectomie totale ont une mortalité spécifique quasi nulle. La survie globale n’est pas un bon critère de jugement dans les études ; on lui préférera la survie sans récidive ou le taux de récidives (dont le délai d’apparition tardif implique un suivi prolongé).
Autre spécificité, le traitement de rattrapage des récidives est généralement efficace. Aussi, on peut faire le choix d’un traitement avec un peu plus de récidives mais un peu moins lourd, quitte à le rattraper ensuite. La tendance est aujourd’hui à la préservation fonctionnelle et de la qualité de vie.
En effet, les recommandations ont clairement évolué au fil des années. En 2007 la Société française d’endocrinologie estimait qu’il fallait faire une thyroïdectomie totale même pour les micro-cancers dès lors qu’on savait qu’il s’agissait d’un cancer avant d’opérer. Dans le cas contraire on pouvait s’abstenir de réintervenir systématiquement après la lobectomie(1).
Selon les européens, un cancer de la thyroïde solitaire bien différencié de moins de 1 cm de diamètre, sans signe de métastases ganglionnaires ou distantes et sans antécédent d'exposition aux radiations pouvait bénéficier d’une thyroïdectomie non totale. Tous les autres cancers de la thyroïde devaient avoir une thyroïdectomie totale(2). En 2009, l’American Thyroid Association (ATA) faisait à peu près la même recommandation(3).
Six ans plus tard, l’ATA a assoupli son point de vue. Elle estimait qu’il était possible de choisir soit la lobectomie soit la thyroïdectomie totale face à un cancer mesurant entre 1 et 4 cm, sans extension extra-thyroïdienne, sans extension ganglionnaire (N0). À noter que la lobectomie exclut la possibilité de faire un traitement par Iode radioactif (RAI). L’ATA précisait que le choix devait être fait avec le patient(4).
L’évolution vers un traitement moins agressif est aujourd’hui actée par toutes les sociétés savantes. En 2019, l’ESMO proposait une lobectomie non seulement pour les micro-cancers (<1cm), mais aussi pour les tumeurs >1cm (T1B et T2) s’il n’y a pas de critères péjoratifs, c’est-à-dire : pas de macro-ganglions envahis, pas d’antécédent d’irradiations cervicales, pas d’antécédents familiaux de cancer thyroïdien, une localisation pas trop à risque, pas d’autres éléments histo-pronostiques péjoratifs (que l’on découvre généralement qu’après l’intervention)(5).
Les éléments du choix
Une métanalyse récente a conclu à un bénéfice de la lobectomie par rapport à la thyroïdectomie totale sur la plupart des effets indésirables, avec 2,2 % d’hypoparathyroïdies temporaires versus 21,3 %, aucune hypoparathyroïdie permanente versus 1,8 % et une réduction des paralysies récurrentielles (même s’il n’y avait pas la puissance statistique suffisante pour atteindre la significativité). En revanche, il y avait davantage de récurrences après lobectomie (3,8 % vs 1,0 %)(6).
En définitive, il faut discuter avec le patient de l’option la mieux adaptée à son cas et ses préférences, en lui exposant les avantages et les inconvénients des procédures.
En faveur de la lobectomie : une intervention plus brève et la possibilité d’une prise en charge en ambulatoire (dans la majorité des cas) ; moins de complications et un risque parathyroïdien réduit ; une fonction thyroïdienne préservée dans 2/3 des cas et probablement un gain en qualité de vie notamment avec une réduction de la fatigue chronique (même si cela n’est pas retrouvé dans toutes les études).
Il faut également prévenir le patient des situations où on risque de devoir réintervenir : l’existence d’une tumeur multi-focale (1/3) avec un risque d’émergence d’un second cancer dans le lobe controlatéral, des critères histologiques découverts après l’intervention justifiant une totalisation secondaire (1/3). Quant au taux de récidive pouvant susciter une chirurgie de rattrapage, il n’est pas certain qu’il soit plus élevé après lobectomie, les études concluant à des résultats contradictoires.
« La tendance actuelle est de privilégier la lobectomie pour les cancers à bas risque, a dit le Pr Bozec. Certaines équipes envisagent même de la proposer pour des cancers à risque intermédiaires. La thyroïdectomie totale ne semble pas faire mieux que la lobectomie sur la survie sans récidive ni sur le taux de récidives ; en revanche elle augmente la morbidité. L’information et la discussion avec le patient doivent être au centre de la prise en charge ».
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :