Proctologie
Publié le 18 oct 2024Lecture 5 min
Cancers colorectaux pMMR avec métastases péritonéales : stabiliser la maladie à base de protocoles d’inhibiteurs de checkpoint
Sylvie LE GAC, Courbevoie
Les adénocarcinomes colorectaux métastatiques (mCCR) avec système de réparation de mésappariements fonctionnel (pMMR) sont associés à une mauvaise réponse à la chimiothérapie cytotoxique en situation réfractaire. Chez les patients ayant des métastases péritonéales (MP), par exemple, des travaux antérieurs ont rapporté une survie globale (SG) médiane de 10,8 mois avec le traitement standard. En effet, les patients atteints de MP avec pour cancer primitif un adénocarcinome colorectal sont considérés comme ayant un pronostic plus défavorable que ceux ayant des métastases dans d'autres sites, soulignant l'importance d'identifier de nouvelles thérapies susceptibles d'améliorer les résultats dans cette population de patients.
Les récents protocoles d'immunothérapie utilisant une association d’inhibiteurs de de points de contrôle immunitaire ou inhibiteurs de checkpoint (ICP) tels que l'ipilimumab et/ou le nivolumab, associés à des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK), comme le régorafénib, ont montré des résultats prometteurs pour les métastases extra-hépatiques, mais pas pour les métastases hépatiques. Cela suggère que les différents sites métastatiques réagissent différemment à l'immunothérapie, possiblement en raison de différences dans le microenvironnement immunitaire, et que l'efficacité des protocoles d'immunothérapie doit être étudiée pour chaque site métastatique.
Malheureusement, peu d'études incluent des patients avec des métastases péritonéales. Les données concernant le taux de réponse des MP aux protocoles d’immunothérapies sont limitées ; une étude récente ayant montré un taux de réponse de 0 % chez 16 patients avec des MP(1), soulignant la nécessité de données supplémentaires. Une équipe du Anderson Cancer Center du Texas a cherché à examiner le taux de contrôle de la maladie (DCR pour disease control rate) et la survie globale (SG) des patients atteints de mCCR pMMR avec MP traités par des protocoles combinés comprenant des ICP.
Méthodologie de l’étude
Les patients atteints d'un cancer colorectal métastatique pMMR, traités avec des ICP, tels que les anti-CTLA et/ou les anti-PD1, et d'autres agents, y compris des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) (régorafénib, fruquitinib, tramétinib, encorafénib ou cometinib) après progression sous traitement de première et deuxième ligne, à l'Université du Texas MD Anderson Cancer Center entre 2015 et 2022, ont été identifiés(2) (tableau 1).
Tableau 1. Combinaisons thérapeutiques immunothérapie (ICP) et ITK.
Le statut mutationnel de BRAF et RAS, la date de début du protocole thérapeutique, la date de fin de la thérapie, la date du dernier suivi et le pronostic vital lors du dernier suivi ont été recueillis à partir des dossiers médicaux. La réponse à la maladie pour chaque site métastatique (péritoine, foie, poumon, rétropéritoine) à 6 mois et lors du dernier suivi a été évaluée en utilisant les critères RECIST 1.1. Ces critères RECIST ont été utilisés pour surveiller les lésions péritonéales mesurables par imagerie ; tous les patients présentaient au moins un nodule péritonéal dont les dimensions pouvaient être évaluées. Toutes les données d'imagerie ont été interprétées par des radiologues spécialisés dans le cancer du côlon et du rectum. La survie globale (SG) a été estimée à l'aide de la méthode de Kaplan-Meier.
Un total de 30 patients avec des MP, avec ou sans autres métastases, ayant des tumeurs pMMR et ayant progressé après au moins deux lignes antérieures de thérapie systémique cytotoxique, ont été identifiés. L’un de ces patients (3,3 %) avait subi une chirurgie de cytoréduction avant de commencer un traitement commprenant des ICP. Aucun des patients n’a subi de chirurgie de cytoréduction avec ou sans chimiothérapie hyperthermique intrapéritonéale (CHIP) pendant ou après le traitement comprenant des ICP. La cohorte de l’étude avait un suivi médian sous protocole avec ICP de 8,5 mois et un suivi médian jusqu’au décès de 13,3 mois.
Résultats
La survie globale (SG) médiane était de 16,7 mois, et la survie à 18 mois était de 47 % (figure 1). La SG n'était pas associée au statut mutationnel de BRAF (HR 0,76 [IC95% : 0,30-1,95] ; p = 0,57) ni au statut mutationnel de RAS (HR 1,59 [IC95% : 0,64-3,97] ; p = 0,32). Une réponse partielle des MP a été observée chez quatre patients (13 %), une maladie stable chez 13 patients (43 %), et une maladie en progression chez 13 patients (43 %), ce qui donne un taux de contrôle de la maladie (DCR) de 57 %. Une réponse partielle et une maladie stable pour les métastases hépatiques d'origine colorectale ont chacune été notées chez un patient sur 17 (DCR de 12 %, p = 0,005 comparé aux MP). Pour les patients ayant uniquement des métastases péritonéales, la survie sans progression (PFS) médiane était de 8,6 mois (intervalle, 2-24,6).
Figure 1. Courbe de survie pour l'ensemble de la cohorte de l'étude montre que la survie globale médiane était de 16,7 mois, et que la survie à 18 mois était de 47 %.
Un sous-groupe de 19 patients, avec des métastases situées sur n’importe quel organe, a été traité pendant ≥ 6 mois et avait un suivi médian de 14,5 mois. Parmi ce sous-groupe, le taux de contrôle de la maladie (DCR) à 6 mois était de 20 % (2/10) pour les métastases hépatiques, de 68 % pour les métastases péritonéales (13/19, p = 0,02 par rapport aux métastases hépatiques), de 50 % pour les métastases pulmonaires (5/10, p = 0,35 par rapport aux métastases hépatiques), et de 0 % pour l'adénopathie métastatique rétropéritonéale (0/2, p = 1,00 par rapport aux métastases hépatiques). Parmi les 11 patients atteints de métastases multisites qui avaient un contrôle de la maladie dans le péritoine à 6 mois, 67 % (4/6) avaient également un contrôle de la maladie dans les poumons, 33 % (2/6) avaient un contrôle de la maladie dans le foie, et 0 % (0/3) avaient un contrôle de la maladie dans le rétropéritoine.
Discussion
Les résultats présentés suggèrent que la réponse aux protocoles contenant ICP chez les patients atteints de cancer colorectal métastatique varie selon le site métastatique, avec des taux de réponse plus élevés dans le péritoine que dans le foie. Ces résultats soutiennent les observations d'autres études sur l'immunothérapie(3,4).
Ces données démontrent le potentiel prometteur des protocoles combinés avec de l'immunothérapie pour le traitement des patients atteints de mCRC pMMR avec des métastases péritonéales pour lesquelles les thérapies systémiques conventionnelles ont montré une efficacité limitée.
Les résultats de cette étude contrastent avec ceux rapportés par une étude récente dans laquelle, sur 16 patients atteints de maladie péritonéale, aucun n'a répondu aux régimes de traitement combinés basés sur l'ICP(1). Bien que les raisons de ces différences de résultats nécessitent des études supplémentaires, nous postulons que ces différences peuvent être liées aux régimes différents utilisés dans cette étude par rapport au régime unique utilisé dans l'étude de Fakih et coll.(1), aux différences dans les lignes de traitement antérieures et aux différences dans la durée du traitement. De plus, la manière dont la maladie péritonéale est apparue radiographiquement dans l'étude de Fakih et coll.(1) et la manière dont les changements de cette maladie ont été mesurés peuvent avoir différé des méthodes employées dans l’étude, soulignant les défis liés à la quantification et à la surveillance de la maladie péritonéale à l'aide de modalités radiographiques.
Malgré les limitations de cette étude Texane, à savoir son caractère rétrospectif et monocentrique, l'inclusion de patients traités avec différents régimes de traitement combinés basés sur l'ICP, et les défis liés à la quantification radiographique de la maladie péritonéale, elle démontre que le contrôle de la maladie dans le péritoine peut être atteint chez de nombreux patients traités avec des régimes combinés comprenant de l’immunothérapie (ICP), et que la survie médiane (OS) est comparable à celle avec protocole de thérapie standard dans les situations réfractaires.
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