Publié le 14 oct 2024Lecture 3 min
EHA 2024 | Thalassémie alpha ou bêta non dépendante des transfusions : l’espoir d’un nouveau traitement avec le mitapivat
Suzette VINALET, Paris
Alors qu’un besoin médical est réel dans la thalassémie non dépendante des transfusions (TNDT), l’essai de phase III ENERGIZE s’est lancé pour objectif d’évaluer le mitapivat dans les formes alpha et bêta de la maladie. Quelles sont les perspectives avec cet activateur de la pyruvate kinase ?
Aucun traitement oral modificateur de la maladie n'est homologué dans la prise en charge de la β-thalassémie, car aucun n’a démontré d’amélioration de la qualité de vie. De même, il n’existe pas d’agent approuvé dans l'α-thalassémie. Activateur allostérique de la pyruvate kinase (PK), le mitapivat suscite donc un réel intérêt thérapeutique. En augmentant l’activité de l’enzyme PK, il améliore la production d'ATP. D’après les modèles précliniques, il permettrait de réduire le stress oxydatif et d’agir sur l’érythropoïèse, l’hémolyse et l’anémie. D’ailleurs, dans une étude de phase II menée dans l’alpha et la bêta TNDT, il a mis en évidence une amélioration de l’hémoglobine (Hb), ainsi que des marqueurs de l’érythropoïèse et de l’hémolyse.
Une évaluation, versus placebo, sur près de 200 patients
L’étude de phase III ENERGIZE a pour objectif d’évaluer le mitapivat chez des sujets adultes atteints d’alpha ou de bêta TNDT(1). Les 194 patients randomisés (2:1) recevaient pendant 24 semaines soit du mitapivat (100 mg deux fois par jour, n = 130), soit un placebo (n = 64). Au total, 122 participants (93,8 %) ont terminé cette période en double aveugle dans le groupe mitapivat, et 62 (96,9 %) dans le bras placebo. À l’issue des 24 semaines, ils recevaient tous jusqu’à cinq années de traitement par mitapivat.
En moyenne, les patients inclus avaient 41,2 ans et un taux d’Hb de 8,4 g/dL. Au total, 86,8 % n’avaient reçu aucune transfusion dans les 24 semaines précédant la randomisation, et 32 % avaient une α-TNDT. Le critère principal de l’étude était le taux de réponse de l’Hb, définie par une augmentation d’au moins 1 g/dL de la concentration moyenne d’Hb de la semaine 12 à 24, en comparaison avec la valeur initiale.
Une meilleure réponse du taux d’hémoglobine
« Les critères primaires et secondaires ont été atteints, avec des améliorations statistiquement significatives sur l’Hb et la fatigue sous mitapivat versus placebo », indique le Pr Ali T Taher (Liban), lors de sa présentation au congrès de l’Association européenne d’hématologie (EHA 2024). En effet, une meilleure réponse hémoglobinique a été observée sous mitapivat, par rapport au bras placebo : 42,3 % versus 1,6 % (p < 0,0001). Ce bénéfice a été retrouvé quels que soient les sous-groupes analysés. Quant à la variation du taux moyen d’Hb des semaines 12 à 24 par rapport à la concentration initiale, elle était de 0,86 g/dL sous mitapivat versus -0,11 g/dL dans le bras placebo, soit une augmentation de 0,96 g/dL (p < 0,0001). De plus, le score d'évaluation fonctionnelle de traitement pour maladie chronique (FACIT)-Fatigue des semaines 12 à 24 atteignait (comparé à la valeur initiale) 4,85 dans le groupe mitapivat versus 1,46 sous placebo, soit une différence de 3,40 (p = 0,0026). Enfin, il a été observé une amélioration, à la semaine 24, des marqueurs de l’hémolyse (bilirubine indirecte : -10,62 µmol/L de différence entre les deux groupes, lactate déshydogénase : -24,28 U/L) et de l’érythropoïèse (taux de réticulocytes : -1,35 %, érythropoïétine : -96,50 IU/L).
Davantage de maux de tête et d’insomnies
Le profil de tolérance était globalement équivalent entre les deux groupes, avec 82,9 % d’effets indésirables (EI) de tous grades sous mitapivat versus 79,4 % avec le placebo (EI grade ≥ 3 : 14 % versus 3,2 %). Les principales toxicités rapportées sous mitapivat étaient des maux de tête (22,5% versus 9,5%), des insomnies initiales (difficultés d’endormissement : 14% versus 4,8 %), des nausées (11,6 % versus 7,9 %) et des infections des voies respiratoires supérieures (10,9 % versus 6,3 %). Dans le groupe mitapivat, il a également été observé 6,2 % d’EI sévères. « Le mitapivat a été généralement bien toléré dans cette étude, avec un faible taux d’arrêts de traitement (3,1 %) », souligne le Pr Taher.
D'après A. T. Taher, EHA 2024
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