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Onco-cardiologie

Publié le 03 oct 2024Lecture 4 min

Pronostic d’une élévation de troponine asymptomatique sous anthracyclines : quelles décisions thérapeutiques ?

Kévin-Elliott KALALA SIKALY, cardiologue, Toulouse

La cardiotoxicité induite par les anthracyclines a une incidence variable ; le développement d'un dysfonctionnement ventriculaire gauche est précédé d'une élévation des concentrations de troponine cardiaque. Les traitements par inhibiteurs des récepteurs bêta-adrénergiques et du système rénine-angiotensine ont été associés à des effets cardioprotecteurs modestes chez des patients non sélectionnés recevant une chimiothérapie à base d'anthracycline. Que disent les dernières recommandations ESC face à une élévation de troponine asymptomatique sous anthracyclines ?

L’étude princeps de D. Cardinale(1) a étudié la conduite à tenir devant une élévation de troponine asymptomatique sous anthracyclines ; cette étude a inclus 703 patient.e.s présentant un cancer nécessitant une chimiothérapie à base d’anthracyclines. L’âge moyen était de 47 ans. Les patient.e.s déjà sous IEC et/ou bêtabloquants étaient exclu.e.s. Le protocole de l’étude comprenait donc une mesure de la FeVG avant le début de la chimiothérapie, 1 mois après la fin de la chimio, puis à 3, 6, 12 mois, puis tous les 6 mois jusqu’à fin de suivi. S’y associait un dosage de troponine I avant le début de la chimiothérapie, dans les 72 heures après le début de la chimiothérapie (troponine I précoce) et 1 mois après le début de la chimiothérapie (troponine I tardive). Le suivi moyen de l’étude était de 20 ± 13 mois. Sur les 703 patient.e.s, 53 ont présenté une majoration précoce et tardive, donc persistante, de leur taux de troponine. Cette élévation persistante du taux de troponine prédisait essentiellement une dysfonction ventriculaire gauche future mais également la survenue de certains événements cardiovasculaires (insuffisance cardiaque aiguë, décès d’origine cardiaque) (figure 1)(1). La valeur prédictive négative de la troponine était excellente puisqu’il y avait peu d’événements parmi les patients avec une troponine négative. © JCO 2024 Figure 1. Réduction de la fraction d’éjection du ventricule G (FeVG) en fonction du taux de troponine et corrélation avec la survenue ou pas d’événements cardiaques(1). Il existe donc comme nous l’avons vu un sur-risque de dysfonction ventriculaire gauche liée à une élévation persistante des troponines lors d’un traitement par anthracyclines, mais faut-il pour autant traiter toute élévation de troponine asymptomatique, après avoir exclu une dysfonction ventriculaire gauche, chez les patients recevant des anthracyclines ? On rappelle que les recommandations les plus récentes(2) ont répondu par l’affirmative à cette question et proposent, tout en autorisant la poursuite des anthracyclines, d’initier un traitement cardioprotecteur par B- et/ou IEC/ARA II en cas de cardiotoxicité légère asymptomatique sous anthracyclines, définie, par une FeVG qui reste > 50 % mais associée : soit à une altération de plus de 15 % du SLG (strain longitudinal global) ; et/ou à une élévation des biomarqueurs (troponine), cette deuxième assertion étant le cœur de notre sujet. © JCO 2024 Figure 2. Recommandations ESC pour la prise en charge des patients présentant une cardiotoxicité en lien avec les anthracyclines(2). Cependant, une controverse persiste puisque dans la littérature, cette recommandation n’est sous-tendue par aucun essai contrôlé randomisé. En effet, les études contrôlées randomisées ayant étudié la question se sont toutes révélées négatives. Pour n’en citer qu’une, CARDIAC CARE TRIAL(3) est un essai contrôlé randomisé multicentrique ayant inclus 175 patient.e.s présentant un cancer du sein ou un lymphome non hodgkinien traité par anthracyclines (âge moyen : 53 ans ; 87 % de femmes ; 71 % de cancer du sein). Des dosages de troponines I itératifs ainsi qu’une surveillance par IRM myocardique au début de l’étude et à 6 mois ont été réalisés. Les patient.e.s à haut risque de cardiotoxicité (troponine I positives au cours du traitement par anthracyclines) étaient randomisés en 2 groupes : groupe standard de soins et groupe standard de soins associé à une cardioprotection (combinaison de carvédilol et de candésartan). Le critère de jugement principal était la variation de la FeVG à 6 mois. Après ajustement, il n’y avait pas de différence significative sur la variation de la FeVG entre le groupe de soins standard et le groupe de soins standard + cardioprotection. © JCO 2024 Figure 3. Résultats de l’évolution de la FeVG dans l’essai CARDIAC CARE TRIAL(3).   En conclusion Il persiste donc actuellement une controverse dans la littérature concernant l’introduction de traitements cardioprotecteurs en cas d’élévation asymptomatique isolée des troponines à FeVG préservée sous anthracyclines (c’est-à-dire une cardiotoxicité légère asymptomatique sous anthracycline). Bien que cette élévation de troponine soit associée à un sur-risque de développer une dysfonction ventriculaire gauche au cours du suivi, l’introduction d’un traitement cardioprotecteur n’a pour l’instant pas fait la preuve de son efficacité sur la variation de la FeVG dans la littérature en comparaison à un traitement standard. En dépit de cela, les recommandations ESC d’onco-cardiologie 2022(2) ont tout de même pris le parti de valider sous la forme d’une recommandation de classe IIA, l’introduction de traitements cardioprotecteurs (IEC ou ARAII et/ou bêtabloquants) en cas d’élévation isolée et asymptomatique (et à FEVG préservée) du taux de troponine sous anthracyclines (cardiotoxicité légère asymptomatique).

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