ESMO 2024 | L’allaitement maternel est possible et sûr après traitement d’un cancer du sein

Essai POSITIVE Aucune donnée prospective antérieure ne détaille les habitudes et les comportements en matière d'allaitement chez les femmes ayant déjà eu un cancer du sein, et on sait peu de choses sur l'impact de l'allaitement sur les résultats du cancer du sein. Dans l'essai POSITIVE, il n'avait pas été démontré d'augmentation du risque à court terme d'événements liés au cancer du sein chez les femmes atteintes d'un cancer du sein de stade précoce à récepteurs hormonaux positifs (HR+) qui avaient temporairement interrompu leur traitement pour leur désir de grossesse, après avoir reçu un traitement hormonal en adjuvant durant 18 à 30 mois. L'allaitement était un critère d'évaluation secondaire de l'essai POSITIVE. L'ensemble des données évaluables était constitué de femmes ayant eu au moins une naissance vivante au cours de l'étude. La fréquence, la durée et la latéralité de l'allaitement ont été décrites et l'incidence cumulée des événements liés au cancer du sein a été estimée selon le statut de l'allaitement. Pour cette analyse, l'intervalle sans cancer du sein (ISCS) à partir de la date de la première naissance vivante jusqu'à la première récidive invasive locale, régionale ou à distance du cancer du sein ou du cancer du sein controlatéral, a été mesuré.   Résultats Après un suivi médian de 41 mois, 317 patientes ont donné naissance à un enfant, dont 196 (62 %) ont allaité, soit un total de 232 bébés. L'allaitement s'est fait à partir du sein controlatéral chez toutes les patientes sauf 2, alors que seulement 38 patientes (12 %) ont allaité à partir des deux seins. La fréquence de l'allaitement était plus élevée chez les femmes âgées de plus de 35 ans (62,8 % vs 51,2 %), n'ayant jamais eu d'enfant (85,4 % vs 71,7 %) et ayant subi une chirurgie conservatrice du sein (66,3 % vs 30,6 %). 103/196 (52,6 %) ont allaité leur premier enfant pendant > 4 mois (médiane 4,4 mois) (IC95% 4,0-5,3). La durée du traitement endocrinien antérieure et le temps écoulé entre l'inclusion et la première naissance vivante n'ont pas été associé à la fréquence ni à la durée de l’allaitement. L'allaitement n'a pas eu d'impact sur l’ISCS (HR 1,12, IC95% 0,28-4,5) avec peu d'événements rapportés (N = 9), dont 3 étaient des récidives locales. Deux ans après la première naissance vivante, l'incidence cumulée de l'ISCS était de 3,6 % et de 3,1 % dans les groupes ayant allaité et ceux n'ayant pas allaité, respectivement. Dans l’étude POSITIVE, près des deux tiers des femmes qui ont accouché ont allaité, dont plus de 50 % pendant plus de 4 mois. Aucun impact sur les événements liés au cancer du sein n'a été observé, bien qu'un suivi plus long soit justifié. Ces résultats sont essentiels pour les femmes qui souhaitent poursuivre la grossesse et l'allaitement après cancer du sein.   L’étude dirigée par le Dr Maria Alice Franzoi (Gustave Roussy, Villejuif) est une étude de cohorte rétrospective internationale, multicentrique, réalisée en milieu hospitalier chez des patientes porteurs de mutations du gène BRCA chez qui on a diagnostiqué un cancer du sein invasif de stade I-III à l'âge de 40 ans ou moins, entre janvier 2000 et décembre 2020. Les patientes qui ont accouché d'un enfant après le cancer du sein ont été divisées en deux groupes : les femmes qui ont allaité après l'accouchement et celles qui n'ont pas allaité. Ont été comparées entre ces 3 groupes, les récidives locorégionales et controlatérales, la survie sans maladie (SSM) et la survie globale (SG). Parmi les 4 732 patientes incluses dans l'étude, provenant de 78 centres dans le monde, 659 ont eu une grossesse après le diagnostic de cancer du sein, dont 474 ont accouché. Après l'accouchement, 110 (23,2 %) patientes ont allaité (durée médiane de 5 mois), 68 (14,4 %) n'ont pas allaité, 225 (47,5 %) ont subi une mastectomie bilatérale avant l'accouchement (elles ne pouvaient donc pas allaiter) et 71 (15,0 %) avaient un statut d'allaitement inconnu. Par rapport aux patientes du groupe n'ayant pas allaité (n = 68), celles du groupe ayant allaité (n = 110) étaient plus souvent nullipares au moment du diagnostic de cancer du sein (61,8 % vs 45,6 %, p = 0,026) et ne déclaraient pas avoir déjà fumé (71,8 % vs 57,4 %, p = 0,019).   Résultats Après un suivi médian de 7,0 (IQR 3,6-10,5) ans après l'accouchement, il n'y a pas eu de différence dans l'incidence cumulée des cancers locorégionaux et/ou controlatéraux entre le groupe ayant allaité (n = 110) et le groupe n'ayant pas allaité (n = 68) (sHR ajusté = 1,08, IC95% 0,57-2,06, p = 0,82). De même, aucun impact de l'allaitement sur la survie sans maladie (HR ajusté = 0,83, IC95% 0,49-1,41, p = 0,49) ni sur la survie globale (9 événements de SG chez les patientes qui ont allaité et 3 chez celles qui n'ont pas allaité), n’a été observé entre les deux groupes. Cette étude fournit les premières preuves de la sécurité de l'allaitement maternel après cancers du sein chez de jeunes femmes porteuses du gène BRCA. Ces données suggèrent que l'allaitement est possible et sûr, il n’y pas de différence en termes de récidive locorégionale ou de cancer du sein controlatéral.