Gynécologie & Sénologie
Publié le 09 sep 2024Lecture 4 min
Quel traitement pour les patientes préménopausées diagnostiquées avec un cancer du sein hormonodépendant, HER2-négatif, en crise viscérale ? Perspectives de l'essai RIGHT Choice
Alexandre XU-VUILLARD et Thomas GRINDA, Département de médecine, Gustave Roussy
Les inhibiteurs des kinases dépendantes des cyclines 4/6 (CDK4/6), tels que le ribociclib, le palbociclib et l’abemaciclib, ont transformé le traitement de première ligne des patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique hormonodépendant (HR-positif) et HER2-négatif. Cependant, ils n’ont pas été évalués chez des patientes atteintes de crise viscérale, une manifestation « agressive » de la maladie qui survient chez environ 10 à 15 % des cancers du sein métastatiques en première ligne. Une crise viscérale se définit par une dysfonction sévère engageant le pronostic vital et nécessitant une intervention thérapeutique rapide. En l'absence de données soutenant l'utilisation des inhibiteurs de CDK4/6 dans ce contexte, la chimiothérapie reste le traitement de référence.
L'essai RIGHT Choice était une étude de phase II randomisée, multicentrique et ouverte, menée chez des femmes préménopausées et périménopausées atteintes d'un cancer du sein métastatique HR positif/HER2 négatif et agressif. L'étude a comparé le ribociclib combiné à une hormonothérapie (létrozole ou anastrozole, et goséréline) à une bi-chimiothérapie incluant des schémas tels que docétaxel avec capécitabine, paclitaxel avec gemcitabine, ou capécitabine avec vinorelbine. Les patientes étaient éligibles si elles étaient considérées comme ayant une maladie agressive, selon le jugement de l'investigateur : la présence de métastases viscérales symptomatiques, la progression rapide de la maladie ou l'implication viscérale imminente, ou encore des atteintes non-viscérales symptomatiques.
Parmi les 222 patientes incluses entre 2019 et 2021 (112 dans le groupe ribociclib et 110 dans le groupe chimiothérapie), 106 (47,7 %) étaient considérées en crise viscérale, 150 (67,6 %) avaient des métastases viscérales symptomatiques, et 41 (18,5 %) présentaient une progression rapide de la maladie. Le critère d'évaluation principal était la médiane de survie sans progression (PFS), avec 21,8 mois dans le groupe ribociclib plus hormonothérapie (IC95 %, 17,4-26,7) contre 12,8 mois dans le groupe chimiothérapie (IC95 % 10,1-18,4 ; HR = 0,61 [IC95 %, 0,43-0,87] ; p = 0,003). La médiane de la survie globale (OS) n'a été atteinte dans aucun des groupes, avec une différence non significative entre eux (HR = 0,92 [IC95 %, 0,56-1,52]). Le taux de réponse objective (ORR) était similaire entre les deux groupes, à 66,1 % pour le ribociclib et 61,8 % pour la bi-chimiothérapie, tandis que le taux de bénéfice clinique (CBR) était de 81,3 % pour le ribociclib et 74,5 % pour la bi-chimiothérapie. Le délai médian de réponse (TTR) était de 4,9 mois pour le ribociclib plus hormonothérapie contre 3,2 mois pour la bi-chimiothérapie (HR = 0,76 [IC95 %, 0,55-1,06]). (Figure)
Figure. Analyses de Kaplan-Meier de la survie sans progression (A), temps jusqu’à échec du traitement (B), durée de la réponse (C) et survie globale (D). © JCO
Tous les patients ont présenté au moins un effet indésirable, avec des toxicités de grade 3 ou 4 survenant chez 79,5 % des patients dans le groupe ribociclib et 73,0 % dans le groupe bi-chimiothérapie. Les effets indésirables hématologiques, comme la neutropénie et la leucopénie, étaient plus fréquents dans le groupe ribociclib, tandis que les effets indésirables non hématologiques, comme les nausées et la fatigue, étaient plus fréquents dans le groupe bi-chimiothérapie. Les effets indésirables graves liés au traitement étaient plus fréquents dans le groupe bi-chimiothérapie, entraînant un taux plus élevé d'arrêt du traitement (27,0 % contre 6,3 %). Aucun décès lié au traitement n'a été signalé dans le groupe bi-chimiothérapie, tandis que cinq décès ont été rapportés dans le groupe ribociclib, tous attribués à une progression du cancer du sein.
Analyse critique de l’essai
La première limite de cette étude est la sélection de la population cible. Une crise viscérale nécessite un traitement urgent, limitant de ce fait l'inclusion des patientes dans un essai clinique. Bien qu'il n'y ait pas de définition précise, une crise viscérale inclut généralement une atteinte hépatique étendue avec des niveaux d'enzymes hépatiques anormaux, une atteinte pulmonaire avec dyspnée, une atteinte cérébrale avec des déficits neurologiques, et une atteinte hématologique nécessitant un soutien transfusionnel. Cependant, une dysfonction du bilan hépatique était un critère d’exclusion, et moins de 3 % des patientes présentaient des métastases cérébrales, ce qui fait que moins de la moitié des patientes incluses dans l'étude étaient en crise viscérale, limitant ainsi la généralisation des résultats aux patientes atteintes de crise viscérale.
La seconde limite est le choix du bras contrôle. Une combinaison de chimiothérapie n’est pas standard en Europe, où l'on préfère la monothérapie avec des taxanes ou des anthracyclines du fait de l'absence de preuve d'une différence significative dans les taux de réponse entre la combinaison et la monothérapie, ainsi que de la nécessité de minimiser la toxicité chez ces patientes vulnérables. En cas de choix de combinaison, le bévacizumab pourrait être un comparateur plus approprié pour les patientes nécessitant une réponse thérapeutique rapide. Bien que le bévacizumab n'ait jamais démontré de bénéfice en termes de survie globale, il a montré des gains significatifs en termes de réponse objective.
Enfin, l'analyse en sous-groupes n'a pas montré de différences significatives en PFS entre les groupes présentant des facteurs de mauvais pronostic ou des groupes hormonorésistants, qui sont les populations de patientes les plus proches de celles en crise viscérale. Aucune différence significative n’a été observée entre les deux groupes de traitement pour les patientes atteintes d'une crise viscérale, un intervalle sans maladie de moins de deux ans, des métastases hépatiques, une rechute (a contrario de novo) et des niveaux de récepteurs d'œstrogènes inférieurs à 50 % (HR = 0,95 [IC95 %, 0,57-1,58] ; HR = 0,85 [IC95 %, 0,33-2,23] ; HR = 0,68 [IC95 %, 0,42-1,11] ; HR = 1,02 [IC95 %, 0,56-1,84] ; et HR = 1,46 [IC95 %, 0,12-17,08], respectivement).
En conclusion, l'essai RIGHT Choice suggère que le ribociclib et la chimiothérapie ne sont pas supérieurs dans une population sélectionnée de patientes en crise viscérale, et que le choix du traitement de première ligne a finalement peu d'impact sur l'OS. C'est une information essentielle ! L'absence de différence en OS soutient l'hypothèse selon laquelle débuter par une chimiothérapie ou un inhibiteur de CDK4/6 n'affecte pas la réponse aux traitements ultérieurs, ce qui suggère qu'il n'y a pas de mauvais choix entre ces deux options.
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