Publié le 21 mai 2024Lecture 4 min
SFH 2024 | Inhibiteurs de ménine : l’émergence d’une nouvelle classe thérapeutique dans les leucémies aiguës
Suzette VINALET, Paris
Thérapie ciblée sur l’expression des gènes HOX (vaste famille de facteurs de transcription qui interagissent avec l’ADN), les inhibiteurs de ménine (IM) sont l’objet de récentes recherches. Mais que révèlent les premiers résultats obtenus ?
« Certains génotypes de leucémie aiguë (LA) sont associés à une surexpression des gènes HOX, médiée par le complexe KMT2A (aussi appelé MLL) », explique le Pr Raphael Itzykson (Paris). Si plusieurs molécules ciblant différents cofacteurs de KMT2A ont été étudiées (inhibiteurs de BET, de DOT1L, ou de LSD1), les IM ont révélé l’activité anti-leucémique la plus prometteuse, notamment dans les LA myéloïde (LAM) avec réarrangement du gène KMT2A/MLL (KMT2A-r). Cependant, celles-ci ne représentent que 5 % des LAM. Mais les gènes HOX sont également surexprimés dans les LAM avec mutation de NPM1 (NMP1-m), augmentant ainsi considérablement la proportion de LAM susceptibles de bénéficier de l’action des IM.
Premières preuves d’efficacité en monothérapie
Administrés par voie orale, six IM sont en développement en monothérapie (figure 1) : revumenib, ziftomenib, DSP-5336, BMF-219… Le plus étudié, le revumenib a été évalué dans l’essai AUGMENT-101(1), ouvert en phase 1 à tout type de génotype, puis en phase 2 aux LAM KMT2A-r, NMP1-m et LA lymphoblastiques (LAL) KMT2A-r. Il incluait une population adulte et pédiatrique, dont 94 patients évaluables pour la tolérance et 57 pour l’efficacité. Au total, 83 % des sujets avaient une LAM et reçu en moyenne deux lignes de traitement antérieur. La tolérance était considérée comme plutôt rassurante, avec néanmoins 28 % de nausées, 27 % de syndrome de différenciation (SD) et 23 % de prolongation de l’intervalle QTc. La moitié des patients (54 %) ont présenté une toxicité de grade ≥ 3 (SD, prolongation du QTc, neutopénie fébrile, anémie…). Un arrêt de traitement a été nécessaire dans 6% des cas. Le taux de réponse globale (RG) a atteint 63 %, avec 44 % de rémission complète (RC) composite (RCc : RC, RC avec récupération hématologique partielle ou incomplète [RCh/RCi] ou récupération plaquettaire incomplète [RCp]). De plus, 68 % des patients en RCc évaluables pour la maladie résiduelle (MRD) avaient une MRD négative (15/22). La durée médiane de RC/RCh est assez limitée (6,4 mois).
Figure 1. @SFH 2024
Utilisé en une prise quotidienne (pas d’interaction avec le CYP3A4, ni prolongation du QT), le ziftomenib a été évalué au cours de l’essai KOMET-001(2), dans les LAM de l’adulte en rechute ou réfractaire (R/R) essentiellement NPM1-m. La phase 1b de l’étude (54 patients) a mis en évidence l’obtention de RC et, comme toxicités limitantes, des cytopénies et SD. La phase 2, menée sur 20 patients de 70 ans d’âge médian exclusivement NPM1-m, a montré un taux de RG de 40 %, avec 35 % de RCc (dont 3/5 de MRD négatives). La durée médiane de réponse atteignait 8,2 mois.
À l’étude en phase 1/2, le DSP-5336 (deux prises/jour) interagit avec le CYP3A4, sans prolonger le QT. Quant au BMF-219 (une prise/jour), il s’agit d’un inhibiteur covalent de MLL, contrairement autres IM qui ont une action compétitive sur l’interaction ménine-MLL. Une phase 1/2, menée dans les LAM ou LAL R/R de l’adulte avec surexpression des gènes HOX (n = 26), montre déjà quelques signaux préliminaires de réponse.
Et en association ?
Des essais d’association ont commencé en préclinique, notamment avec le venetoclax, ou des inhibiteurs de FLT3 chez des patients doublement mutés (KMT2A ou NPM1, et FLT3). Des combinaisons originales sont aussi testées avec le lénalidomide ou le sélinexor. En clinique, beaucoup d’études en association aux traitements standards (chimiothérapie, venetoclax, anti-FLT3 comme le giltéritinib) sont réalisées, surtout chez les patients adultes en R/R (figure 2). Une phase 1 (n = 8), combinant le revumenib à l’agent hypométhylant ASTX727, montre des premières données de tolérance rassurantes.
Figure 2. @SFH 2024
Gare aux résistances !
Des mécanismes de résistance, notamment génétiques, sont déjà caractérisés. L’un d’entre eux concerne 40 % des patients. Il s’agit de l’émergence de clones de mutation du gène de la ménine, apparaissant dès quelques cycles d’exposition aux IM. Ces mutants vont bloquer l’interaction entre les IM et la ménine. « Ces mécanismes de résistance rendent nécessaire l’identification du meilleur contexte d'utilisation de cette classe thérapeutique », conclut le Pr Itzykson.
Références
1. Aldoss I et al. ASH 2023, abstract LBA5.
2. Fahti A et al. EHA 2023, abstract P504.
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