Gynécologie & Sénologie
Publié le 13 mai 2024Lecture 4 min
La valeur pronostique des TILs confirmée dans les cancers du sein triple négatifs localisés naïfs de chimiothérapie
Sylvie LE GAC, Courbevoie
Une nouvelle étude internationale et multicentrique démontre que les personnes opérées d’un cancer du sein triple négatif localisé dont les tumeurs sont fortement infiltrées en cellules immunitaires ont un risque plus faible de rechute et un taux plus élevé de survie même sans chimiothérapie après la chirurgie. Cette étude, menée par Gustave Roussy et la Mayo Clinic (Rochester, États-Unis), en collaboration avec l’International immuno-Oncology Biomarker Working group et 11 partenaires, est publiée dans le Journal of American Medical Association (JAMA)(1).
« Il s’agit d’une découverte importante. L’analyse montre que l’abondance des TILs (Tumor-Infiltrating Lymphocytes) dans les tissus mammaires est un biomarqueur de meilleur pronostic chez les personnes atteintes d’un cancer du sein triple négatif en phase précoce, même quand une chimiothérapie n’est pas administrée », explique Roberto Leon-Ferre, oncologue médical spécialiste du sein au centre de cancérologie de la Mayo Clinic, et premier auteur de l’étude. « Les résultats de cette étude pourront conduire à de futurs essais cliniques pour déterminer si les patients avec un pronostic favorable (taux important de TILs) peuvent échapper à des cures intensives de chimiothérapie ».
La valeur pronostique des TILs, une aide à la prise de décision thérapeutique ?
« Cette méta-analyse confirme la valeur pronostique des TILs, que nous avons précédemment rapportée chez les patientes traitées pour un cancer du sein tripe négatif traitées par chimiothérapie. Nous pouvons désormais l’appliquer aux patientes traitées sans chimiothérapie », détaille Sarah Flora Jonas, statisticienne à Gustave Roussy et première co-auteur de l’étude. « De futures études détermineront si l'utilisation de ce biomarqueur, en lien avec les facteurs clinico-pathologiques standards, peut aider à la prise de décision thérapeutique chez les patientes atteintes d’un cancer du sein triple négatif ».
« Les TILs sont maintenant mesurées en routine lors de l’analyse des tissus d’un cancer du sein », rapporte le professeur Matthew Goetz, co-dernier auteur et oncologue médical à la Mayo Clinic. « Alors que de précédentes études se sont concentrées sur l’évaluation des TILs chez les personnes traitées par chimiothérapie, cette étude est la plus importante qui montre que la présence de TILs influence favorablement l’évolution des cancers du sein chez les personnes qui ont subi une chirurgie et/ou une radiothérapie, sans chimiothérapie supplémentaire ».
Une médiane de suivi de 18 ans
Pour réaliser cette étude, les chercheurs de Gustave Roussy et de la Mayo Clinic, en collaboration avec l’International immuno-Oncology biomarker working group, ont travaillé avec 11 partenaires supplémentaires pour collecter les données de 1 966 participantes, toutes touchées par un cancer du sein triple négatif localisé, ayant subi une opération chirurgicale avec ou sans radiothérapie mais toujours sans chimiothérapie. Les participantes ont été suivies sur une médiane de 18 ans. Les résultats ont montré que des niveaux plus élevés de TILs dans les tissus cancéreux mammaires sont associés à des taux de récidive plus faibles.
Un taux de survie plus élevé et un risque de rechute plus faible
« Cinq ans après la chirurgie, 95 % des participantes atteintes d’un cancer triple négatif de stade 1 présentant de petites tumeurs, et dont les tumeurs présentaient un taux élevé de TILs, étaient encore en vie, comparé à 82 % présentant un taux faible de TILs. Fait important, les taux de rechute du cancer étaient significativement plus faibles chez les patientes dont les tumeurs avaient des taux élevés de TILs », détaille le dernier auteur de l’étude Stefan Michiels, responsable de l’équipe Oncostat (Gustave Roussy/Inserm U1018 CESP/Université Paris-Saclay). « Avec près de 2 000 participantes inclues dans l’étude, nous avons désormais rassemblé la plus importante cohorte internationale sur trois continents de personnes atteintes d’un cancer du sein triple négatif dont le traitement de base était la chirurgie sans chimiothérapie ».
« Les résultats de cette étude pourraient mener à une recommandation : inclure les TILs dans le rapport de pathologie des cancers du sein triple négatif localisé, puisque cela permettrait d’informer les cliniciens et les patients sur les options de traitements », explique le docteur Salgado.
Le recensement des TILs, une simple observation de lame…
« De plus, ce biomarqueur nécessiterait simplement qu’un anatomopathologiste recense les cellules immunitaires lors de son observation de la lame d’anatomopathologie au microscope, et serait sans coût supplémentaire. Un élément qui pourrait se révéler central dans les régions possédant des ressources limitées, » explique le docteur Leon-Ferre.
Les chercheurs prévoient d'évaluer les TILs en tant que biomarqueurs d’aide à la décision de l’administration d’une chimiothérapie dans le cadre d'essais cliniques prospectifs tels que l’essai ETNA financé par la Fondation Gustave Roussy. Des recherches sont en cours sur d'autres biomarqueurs potentiels.
Ces travaux ont été soutenus par le RHU MyProbe (financement de l’ANR et du CGI, ANR-17-RHUS-0008).
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