Publié le 17 avr 2024Lecture 4 min
SFH 2024 | Leucémie aiguë lymphoblastique B : l’essor de l’immunothérapie en première ligne
Suzette VINALET, Paris
La prise en charge des leucémies aiguës lymphoblastiques B (LAL B) ne cesse d’évoluer en première ligne, notamment grâce au blinatumomab (BLIN). Celui-ci se révèle particulièrement bénéfique en association à la chimiothérapie ou à une autre immunothérapie.
Dans les LAL B sans chromosome Philadelphie (Ph-), le BLIN a succédé au rituximab et à l’ofatumumab. Il est indiqué en monothérapie en cas d’expression de CD19+, en situation de rechute ou maladie réfractaire (R/R) et, plus récemment, en première ou seconde rémission complète (RC) avec une maladie résiduelle (MRD) positive (≥ 0,1 %). Si les survies sans rechute (SSR) et globale (SG) se limitent à 7,3 et 7,7 mois en R/R (35 % de MRD-), elles atteignent 18,9 et 36,6 mois en première ligne (79 % de MRD-). Mais qu’en est-il en association ?
Associer le blinatumomab à la chimiothérapie
Plusieurs études combinant le BLIN à la chimiothérapie (CT) montrent des survies sans évènements (SSE) -maladie (SSM) ou rechute - autour de 65 % à 80 %, et des SG entre 2 et 5 ans d’environ 70 % à 85 %. Chez des patients (n = 95) avec une MRD élevée en post-induction (≥ 10-4) ou certaines formes oncogénétiques (Ph-like, IKZF1…), l’ajout du BLIN à la CT permet d’observer davantage de MRD- (90 % versus 70 % sous CT seule), moins de rechutes et une meilleure SSM(1). En cas de délétion d’IKZF1 ou Ph-Like, la probabilité de MRD- est plus élevée après BLIN que CT(2). Un meilleur bénéfice en SSM est observé sous BLIN en présence de délétion d’IKZF1 (p = 0,001).
Dans l’étude ECOG-ACRIN E1910 (n = 448) évaluant en consolidation BLIN-CT versus CT(3), la SG était prolongée en cas de MRD+ après la CT d’intensification (p = 0,066), et chez les sujets déjà MRD- (p = 0,003). « Il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de cible de CD19 pour avoir une efficacité du BLIN », constate le Dr Françoise Huguet (Toulouse). Ainsi, les recommandations américaines 2023 intègrent le BLIN en consolidation en cas de MRD-. Le bénéfice en SG était retrouvé surtout chez les patients de moins de 55 ans (p < 0,001), en cas de MRD strictement indétectable (p = 0,038), et après 3 à 4 cycles de BLIN (p = 0,076).
Chez les sujets âgés, le BLIN, alterné avec la CT de consolidation, augmentait la MRD indétectable de 18 % à 82 %(4). Par rapport à une cohorte sous CT, la SG à trois ans était améliorée (67 % vs 49 %, p = 0,08). Enfin, l’étude GRAALL 2024 LAL B Ph- propose d’administrer le BLIN dès la première consolidation (figure 1), et de tester l’intérêt de la greffe dans le groupe de patients à haut risque (greffe vs CT/BLIN).
Figure 1. ©SFH 2024
Anticorps conjugué et combinaison d’immunothérapie
L’inotuzumab ozogamycine (INO) est un anticorps conjugué couplant un anti-CD22 et un cytotoxique (N-acétyl-gamma-calichéamicine), indiqué en monothérapie chez les patients en R/R. Associé à la CT en première ligne, il permet d’obtenir presque 100 % de RC et 70 à 80 % de MRD- chez des patients de 65 ans. À 2 ou 3 ans, la SSE était autour de 50 % et la SG entre 55 % et 75 %. « Ce qui est inédit chez les sujets âgés », observe le Dr Huguet.
L’avenir passe par l’association de ces immunothérapies (IT), notamment INO et BLIN. Un protocole dose dense combinant une CT allégée à l’INO et au BLIN (+/- rituximab) a révélé une survie à un an de 83 %(5). L’ajout de l’INO aurait également un intérêt particulier en cas de mutations TP53. Ainsi, dans le projet d’étude européenne EWALL-InO2, le bras standard recevra une CT et du BLIN, alors que la CT sera allégée et associée à l’INO dans le bras expérimental. L’essai américain privilégie chez les patients âgés des associations d’IT (BLIN/INO). Chez les sujets jeunes, il inclut CT, IT (BLIN/INO) puis des CAR-T cells. « Les cellules CAR-T peuvent être administrées après le BLIN, en gardant leur efficacité, sauf en cas de maladie réfractaire au BLIN », précise le Dr Huguet.
Et dans les LAL B avec chromosome Philadelphie ?
Le BLIN est indiqué dans les LAL B Ph+ chez les patients en R/R, en échec d’au moins deux inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) et sans autres alternatives thérapeutiques. Dans l’étude D-ALBA, 63 patients recevaient des stéroïdes et du dasatinib en induction, puis jusqu’à 5 cycles de BLIN associé au dasatinib et à une CT intrathécale. Un tiers ont été greffés et deux tiers ont poursuivi l’ITK en entretien. Presque tous étaient en RC. Le taux de MRD indétectable ou positive non quantifiable augmente après l’introduction du BLIN, passant de 29 % après induction à 64 % après le premier cycle. Par ailleurs, les mutations T315I développées sous dasatinib en induction (surtout en cas d’altération de IKZF1) ont disparus avec le BLIN. A 53 mois, les SSM et SG atteignaient 75,8 % et 80,7 %, avec neuf rechutes(6). L’association BLIN-Ponatinib montrent également des résultats prometteurs : 96 % de RC et 95 % de SG à un an(7). Ainsi, Le GRAALL 2024 Ph+ comporte du BLIN dès le deuxième cycle (après CT), et teste l’intérêt de la greffe en cas de RC avec MRD- après BLIN (figure 2).
Figure 2. ©SFH 2024
Mais dans cette nouvelle ère de l’IT, « la stratification pronostique établie à l’époque de la CT est-elle encore valable ? Et quelle est la place de la greffe aujourd’hui ? », évoque le Dr Huguet. Les études GRAALL2024 Ph- et Ph+ devraient répondre à cette dernière interrogation...
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