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Digestif-Gastrique

Publié le 09 fév 2024Lecture 4 min

ASCO GI 2024 | La RTIV enfin possible en première ligne dans les TNE gastro-entéro-pancréatiques avancées de grade 2 ou 3

Aurélien LAMBERT, Institut de Cancérologie de Lorraine, Nancy

Les tumeurs neuroendocrines (TNE) bien différenciées, souvent représentées en majorité par les tumeurs grêliques et pancréatiques, sont prises en charge différemment selon leur étiologie. La révolution de la radiothérapie interne vectorisée (RTIV) n’a pas eu le même essor selon les organes, largement admise et utilisée en pathologie grêlique, il est encore très difficile, voire impossible d’en faire bénéficier les patients porteurs d’une TNE pancréatique de grade 1 ou 2. L’AMM est présente pour la RTIV chez les patients porteurs d’une tumeur gastropancréatique de grade 1 ou 2 après échec d’un premier traitement bien conduit par analogues de la somatostatine(1). La différence de prise en charge (et la perte de chance ?) provient d’un remboursement du produit octroyé par la commission de transparence à l’indication grêlique mais pas au pancréas ; au motif d’un manque de données convaincantes, et ce malgré l’apport complémentaire de l’étude NETTER-R(2) pour le pancréas. Aujourd’hui, c’est une impasse française inédite, où il est en pratique possible de prescrire un traitement par RTIV pour un patient porteur d’une TNE pancréatique grade 3 hors AMM mais pas du tout (pour des raisons financières) pour une TNE pancréatique grade 1 ou 2 qui pourtant elle à l’AMM. L’essai NETTER 2 est très attendu pour débloquer cette situation ubuesque.

La RTIV validée quelles que soient les tumeurs différenciées ? Essai de phase 3, randomisé, prospectif, présenté au congrès américain de l’ASCO GI en janvier 2024, et cherchant à évaluer la supériorité d’un traitement par 177Lu-DOTATATE associé à octréotide 30 mg comparé à octréotide haute dose (60 mg) chez les patients porteurs d’une TNE digestive (gastro-entéro-pancréatique) en situation avancée de grade 2 ou 3 naïfs de tout traitement. Cette étude à inclus 226 patients, randomisés 2:1 à la faveur du bras expérimental. Il faut noter que le cross-over était autorisé à progression, l’objectif principal de l’étude étant donc logiquement la survie sans progression.   Amélioration de la survie sans progression La médiane de survie sans progression était portée à 22,8 mois dans le bras expérimental (177Lu-DOTATATE + octréotide) contre 8,5 mois dans le bras standard avec un Hazard Ratio impressionnant permettant d’afficher une réduction de 72 % du risque de progression de la maladie ou de décès dans le bras expérimental (HR [IC95%] : 0,276 [0,182-0,418] ; p < 0,0001). La borne supérieure de l’intervalle de confiance de la survie sans progression n’était pas atteinte lors de cette analyse. Le bénéfice était présent quel que soit le sous-groupe d’analyse, notamment pour les grades 3 ce qui est une donnée nouvelle très intéressante. Il faut noter que les tumeurs pancréatiques étaient présentes pour plus de la moitié des patients inclus (contre un peu moins d’un tiers de tumeurs du grêle et le reste étant labelisé « autres étiologies »).   La nouveauté Première essai prospectif, randomisé, de phase 3 à montrer un bénéfice de la RTIV pour les patients de grade 3 (en maladie bien différenciée), ceci est un argument de plus vers la démocratisation de cette thérapeutique quel que soit le grade de la tumeur finalement et incite à repenser la classification historique du point de vue bénéfice patient attendu et non pas seulement sur l’indice Ki67 pourtant très fiable.   La confirmation Si la communauté scientifique n’est pas surprise du bénéfice confirmé parmi les tumeurs pancréatiques, cette étude de poids nous rend impatient du positionnement des tutelles de santé sur le remboursement tant attendu. Information utile également, le profil de toxicité est tout à fait acceptable.   Les questions Y aura-t-il validation de l’indication pour les grades 2 et 3 en laissant de côté les grades 1 (qui ne sont pas inclus dans cette étude) ? Les grades 2 ayant un Ki67 inférieur à 10 % seront-ils exclus également ? Les données de survie globale seront-elles exigées pour avancer sur le dossier ? Sachant que les pronostics de maladies sont meilleurs ici qu’avec les tumeurs solides classiques (non endocrines), ce qui pourrait entrainer un délai important au détriment des patients. La possibilité du cross-over à progression pour les patients n’ayant pas bénéficié de RTIV sera indéniablement un paramètre important à analyser, surtout si le bénéfice en survie globale est gommé totalement ou en partie de ce fait. Il est possible que le positionnement en 1e ou 2e ligne n’ait pas beaucoup d’impact sur l’efficacité dans cette pathologie.   Limites Une des limites de cette étude pourrait être l’absence de bras comparateur comportant de la chimiothérapie. Si l’option des analogues de la somatostatine est tout à fait possible chez ces patients sélectionnés sur la présence de récepteurs spécifiques, il est fréquent de proposer un traitement systémique plus agressif, notamment en cas de grade 3. Ceci pourrait avoir favorisé le bras expérimental.   Toxicité financière ? Sujet à la mode désormais, avec un coût de revient pour 4 cures avoisinant les 80 000 € (avant négociation des tutelles), le 177Lu-DOTATATE (auquel il faudra ajouter le coût de l’octréotide ou équivalent et possiblement les soins infirmiers à domicile) n’est pas sans conséquence sur les décisions de remboursement. L’obligation de moyen, pour laquelle nous prêtons serment, est difficile à défendre dans ce contexte depuis des années. Nous sommes face à une indication qui va augmenter grandement le périmètre des indications (nouvelle étiologie remboursée et nouveau grade toute pathologies confondues).   Ce qu’il faut retenir • Le 177Lu-DOTATATE se positionne comme le nouveau standard des patients porteurs d’une TNE gastro-entéro-pancréatique de grade 2 ou 3 en première ligne avancée. • Le profil de tolérance est acceptable avec néanmoins une majoration de la toxicité grade ≥ 3 dans le bras expérimental. • Le débat sera désormais plus médico-économique que scientifique sur les indications retenues au remboursement. Figure 1. Survie sans progression étude NETTER-1. © ASCO GI 2024 Figure 2. Survie sans progression étude NETTER-2. © ASCO GI 2024 Figure 3. Analyse en sous-groupe de la survie sans progression. © ASCO GI 2024 Figure 4. Profil de toxicité. © ASCO GI 2024  

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