Publié le 08 jan 2024Lecture 6 min
Suivi post-thérapeutique des lésions intraépithéliales cervicales
Hélène PICLET, service de gynécologie-obstétrique, hôpital Nord de Marseille
Le test HPV est devenu un outil incontournable du dépistage des lésions intraépithéliales du col utérin, appliqué aux femmes de plus de 30 ans. Les données actuelles de la littérature ont montré sa supériorité sur le dépistage cytologique, car la sensibilité est meilleure pour une spécificité équivalente. Dans le cadre du suivi post-thérapeutique, qu’en est-il de la meilleure stratégie de surveillance pour nos patientes après le traitement d’une lésion intraépithéliale du col de l’utérus ?
Risque de récidive des lésions intraépithéliales de haut grade après traitement
Conisation à l’anse diadermique sous contrôle
La résection à l’anse diathermique est aujourd’hui le traitement de référence des lésions intraépithéliales (LIE) de haut grade du col utérin(1).
Si son efficacité thérapeutique est comparable à celle de tous les autres traitements existants(2), elle présente l’avantage d’être une technique simple réalisée souvent sous anesthésie locale avec guidage colposcopique direct et d’optimiser la résection aux dimensions du col et de la lésion. Elle permet enfin une analyse histologique finale de la pièce opératoire. Bien que le traitement d’exérèse des LIE du col de l’utérus soit extrêmement efficace, les femmes conservent toutefois un risque de récidive de cancer du col 4 à 5 fois plus élevé que celui de la population générale (figure 1). Après le traitement d’une LIE du col utérin, le risque global de récidive est de l’ordre de 5 à 7 %. La majorité des récidives seront diagnostiquées dans les 2 ans, mais le risque persiste tout au long de la vie (figure 2).
Figure 1. Risque de récidive de lésion intraépithéliale de haut grade après traitement, après une longue période de suivi (Sources : Melnikow et al., JNCI 2009 ; Ang et al., BJOG 2011 ; Lili et al., Medicine 2018).
Figure 2. Risque de récidive de lésion intraépithéliale de haut grade après traitement (Source : Rebolj, Ann Oncol 2020 ; BMJ 2020 King’s College, London).
Le risque de récidive augmente lorsque les marges de résection ne sont pas saines, évalué à 20 % environ. La présence de marges saines ne permet cependant pas de s’affranchir du risque de récidive qui chute alors à 5 %. Un nouveau traitement sera justifié si la surveillance post-thérapeutique met en évidence une récidive (encadré 1).
Ni les facteurs hormonaux, sexuels ou personnels ni les facteurs liés au traitement n’ont d’impact sur le risque de récidive(4). En fait, le principal facteur de risque, bien plus que le statut des marges de résection, est la persistance de l’infection à HPV à haut risque après le geste thérapeutique. Du fait de ce risque, ces femmes ne relèvent plus du dépistage et doivent bénéficier d’une surveillance post-thérapeutique adaptée tout au long de leur vie (tableau 1).
Cas particulier de l’hystérectomie totale
L’hystérectomie n’est pas recommandée pour le traitement des LIE du col utérin, car la balance bénéfice-risque est largement en sa défaveur. Les récidives vaginales sont possibles, avec un risque de progression vers un cancer ultérieur du vagin, ce qui impose le maintien d’une surveillance de ces femmes. On distinguera bien évidemment les cas de femmes qui présentent une pathologie utérine en plus d’une LIE cervicale, pour lesquelles une hystérectomie est bien évidemment justifiée. Dans tous les autres cas, et notamment chez les patientes ayant déjà eu une voire plusieurs exérèses cervicales, la seule situation où le recours à une hystérectomie est justifié est celle où le reliquat cervical est insuffisant pour permettre un nouveau geste d’exérèse.
La réalisation d’une hystérectomie totale chez une patiente ayant une LIE de haut grade du col utérin ne supprime pas le risque de récidive. Ces femmes sont exposées à un risque de LIE du vagin et de cancer du vagin. Les données actuelles de la littérature rapportent un risque de récidive vaginale après hystérectomie de l’ordre de 4 à 7 % (tableau 2). Ce risque est finalement comparable au risque de récidive cervicale après une résection à l’anse diathermique en marges saines. Il s’explique tout simplement par le risque de persistance d’une infection à HPV de haut risque postopératoire, principal facteur de risque de récidive.
Risque élevé de colposcopie insatisfaisante après le traitement d’une LIE du col utérin
Même si la conisation à l’anse diadermique sous contrôle coloscopique est le traitement de référence permettant de minimiser l’amputation cervicale – avec ses conséquences de déformation ou de sténose de l’orifice externe –, le risque est plus élevé d’avoir une colposcopie insatisfaisante à la suite du traitement d’une LIE, et, même s’il est satisfaisant, l’examen colposcopique est souvent plus difficile (figures 4 et 5).
Figure 3. Récidive d’une lésion VaIN 3 du fond du vagin après traitement d’un CCU 22 ans auparavant traité par hystérectomie, surveillance annuelle, cytologie HSIL.
Figures 4 et 5. Séquelles thérapeutiques.
Surveillance après traitement d’une LIE de haut grade du col de l’utérus
L’examen gynécologique régulier de ces femmes est indispensable. Le test HPV est de très loin le meilleur outil de la surveillance des femmes ayant eu une LIE de haut grade du col de l’utérus (tableau 3).
Dans cette indication, le test HPV a fait la preuve de sa supériorité par rapport à la cytologie (figure 6).
Figure 6. Suivi post-thérapeutique des CIN : cytologie vs test HPV (Arbyn M et al. Vaccine 2012).
Le test HPV sera réalisé à partir d’un prélèvement du col utérin ou du fond vaginal en cas d’hystérectomie totale. Si l’utilisation d e l a c y to l o g i e n ’e st p a s supportée par les données actuelles de la littérature pour le suivi de ces femmes, le cotesting a été proposé comme méthode de surveillance. Néanmoins, s’il permet de gagner en sensibilité, le cotesting uti - lisé en outil du suivi post- thérapeutique diminue significa - tivement la spécificité, augmen - tant ainsi le risque de recourir à une colposcopie non justifiée(5) . Finalement, la colposcopie sera indiquée chez les femmes ayant un test HPV positif. Avec une sensibilité de plus de 80 %, la colposcopie avec biopsies dirigées est l’outil clé du diagnostic des récidives. Du fait des séquelles thérapeutiques sur le col, un praticien expérimenté augmente encore la sensibilité dans la détection de ces lésions.
• Dans le cas où le test HPV est positif en post-conisation, le risque d’échec est de 12- 25 % (VPP = 75-88 %) ; il n’y aura pas de reprise chirurgicale mais la réalisation d’une colposcopie.
• Dans le cas où le test HPV est négatif en post-conisation, le risque d’échec est inférieur à 2 % (VPN = 98 %) ; le test sera répété tous les 3 ans. Si le délai médian de récidive est autour de 2 ans, le taux élevé de récidive à long terme justifie une surveillance à vie(3) .
Nouvelles recommandations de l’INCa dans la surveillance post-thérapeutique des lésions précancéreuses du col de l’utérus
Établies sur ces données de la littérature, les recommandations de l’Institut national du cancer (INCa) de 2019 indiquent l’utilisation du test HPV comme outil de surveillance post-thérapeutique des femmes traitées pour une LIE du col de l’utérus.
Surveillance après traitement des LIE de bas grade (algorithme 1)
Algorithme 1. Surveillance après traitement des LIE de bas grade.
• Le traitement de ces lésions est proposé uniquement en cas de persistance supérieure à 24 mois.
• La conisation des lésions de bas grade n’est pas indiquée, et il est possible de continuer la surveillance.
• La méthode de destruction par vaporisation laser sera la seule solution thérapeutique proposée en cas de persistance à 2 ans.
Surveillance après traitement des LIE de haut grade (algorithme 2)
Algorithme 2. Surveillance après traitement des LIE de haut grade.
• Le traitement de choix est la conisation (résection à l’anse diadermique sous contrôle colposcopique).
• Les marges non saines ne sont pas une indication de réopérer.
Surveillance après traitement d’un adénocarcinome in situ (Algorithmes 3A et 3B)
Algorithme 3A. Surveillance après traitement d’un adénocarcinome in situ (traitement conservateur).
Algorithme 3B. Surveillance après traitement d’un adénocarcinome in situ (hysérectomie).
• Le traitement de référence est l’hystérectomie en raison du caractère souvent multifocal des lésions.
• Une surveillance est possible après conisation (traitement conservateur) si les marges sont saines et s’il existe un projet parental (décision en RCP).
• La surveillance se fera par un test HPV à 6 mois dans tous les cas.
L’autrice déclare des liens d’intérêt avec MSD (symposium sur la vaccination HPV).
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