Publié le 07 déc 2023Lecture 5 min
Biopsie liquide et cancers du sein RH+ HER2-
Jean-Louis MERLIN, service de biologie moléculaire des tumeurs, Département de biopathologie, Institut de Cancérologie de Lorraine, Nancy
La détection des mutations du gène ESR1 sur biopsie liquide dans les cancers du sein RH+ HER2-au stade avancé permet d’adapter l’hormonothérapie.
Mutations du gène ESR1 et résistance à l’hormonothérapie
Les patients atteints de cancers du sein RH+/HER2- au stade avancé (ABC) peuvent bénéficier d’une hormonothérapie (HT). Les trois types d’HT utilisées comprennent des modulateurs sélectifs du RE (SERM), des inhibiteurs de l'aromatase (IA) et des dégradateurs sélectifs du RE (SERD). Dans les ABC, l'émergence d'une résistance acquise peut entraîner une récidive ou une progression de la maladie cancéreuse. La résistance à l’HT est liée à l'apparition de mutations touchant le gène ESR1, qui code le récepteur aux estrogènes(1). Dans environ 90 % des cas, les mutations touchent les codons 537, 538 et 380. Des fusions impliquant le gène ESR1 ont également été rapportées pour leur implication dans la résistance à l’HT.
S’agissant de résistance acquise, les mutations du gène ESR1 ne sont que très rarement détectables au moment du diagnostic (moins de1 % des cas) mais sont présentes dans 30 à 40 % des ABC.
Analyse des mutations du gène ESR1 sur biopsie liquide
Lors de la croissance tumorale, certaines cellules tumorales meurent et libèrent leur contenu dans la circulation sanguine, en particulier leur ADN. Le domaine du diagnostic moléculaire des cancers sur « biopsie liquide » est en pleine évolution depuis quelques années avec l’émergence de techniques permettant d’analyser les caractères génétiques d’une tumeur à partir de l’ADN tumoral circulant contenu dans une simple prise de sang(2).
Dès 2019, le recours à la biopsie liquide a été mis en place au quotidien, pour la prise en charge des patients atteints d’un cancer bronchique présentant une mutation du gène EGFR et en progression tumorale sous thérapie ciblée orale pour permettre d’adapter leur traitement.
En 2023, cette possibilité est étendue au cancer du sein métastatique pour la recherche de mutations du gène ESR1 et fait désormais partie des recommandations internationales de l’ASCO(3) et de l’ESMO (https://www.esmo.org/living-guidelines/esmo-metastatic-breast-cancer-living-guideline/er-positive-her2-negative-breast-cancer, v1.1 may 2023). En résumé, la recherche des mutations du gène ESR1 est recommandée lors d'une récidive ou d'une progression sous HT (associée ou non à un inhibiteur de CDK4/6) chez les patients atteints d’ABC RH+ HER2-. Les analyses doivent être effectuées à partir d’un prélèvement sanguin ou tissulaire, obtenu au moment de la progression, car les mutations du gène ESR1 apparaissent en réponse à la pression de sélection pendant le traitement et sont généralement indétectables dans la tumeur primitive. Les analyses de prélèvements sanguins, à partir d’ADN tumoral circulant, sont recommandées en raison d’une meilleure sensibilité. Chez les patients dont les analyses ne révèlent pas de mutations du gène ESR1, une nouvelle analyse peut être envisagée lors d'une progression ultérieure pour surveiller l'augmentation des mutations du gène ESR1.
En pratique, cette analyse peut être réalisée à progression de la maladie à partir d’un prélèvement sanguin. L’ADN tumoral circulant étant rapidement dégradé, il est indispensable de réaliser l’extraction de l’ADN circulant dans un délai de moins de 3 heures si le prélèvement sanguin est fait sur un tube EDTA. Pour éviter ce problème, le recours à l’utilisation des tubes contenant un agent évitant la dégradation de l’ADN circulant (tubes DNA-BCT ou équivalent) est fortement recommandé. Ces tubes permettent de maintenir la stabilité de l’ADN circulant pendant plus de 3 jours à température ambiante et facilite l’expédition des échantillons sanguins pour une analyse externalisée.
L’analyse des mutations du gène ESR1 peut être réalisée de manière ciblée par PCR pour détecter les principales mutations rencontrées. Le recours à la PCR digitale permet d’améliorer la sensibilité de détection des mutations recherche que ADN tumoral circulant.
Une alternative à la PCR est le recours au séquençage NGS qui permet l’analyse conjointe des mutations du gène ESR1 et également d’autres mutations pouvant être utile à une prise de décision thérapeutique en RCP moléculaire comme les mutations des gènes PIK3CA, AKT1 ou encore BRCA1/2. L’utilisation d’une technique à base molecular barcodes permet d’améliorer le seuil de détection des mutations à partir d’ADN tumoral circulant.
Le délai de rendu des résultats par ces techniques peut être un argument de choix, les analyses à base de PCR étant généralement plus rapide à mettre en œuvre que le NGS.
Nouveaux SERD oraux
Plusieurs autres nouveaux SERD sont en cours d’évaluation pour circonvenir la résistance à l’HT induite par les mutations du gène ESR1(1). Début 2023, l’élacestrant, a été approuvé par la FDA dans les ABC RH+/HER2-sur la base des résultats de l’essai EMERALD(4), dans les ABC présentant une progression après une ou deux lignes d'HT et inhibiteurs de CDK4/6. Des mutations du gène ESR1 ont été détectées chez 47,8 % des patients par analyse NGS sur ADN tumoral circulant. Les résultats ont mis en évidence une amélioration significative de la survie sans progression (SSP) chez les patients traités par elacestrant (HR 0,70 ; IC95% : 0,55-0,88 ; p = 0,002), avec un avantage plus marqué chez les patients présentant une mutation du gène ESR1 (HR 0,55 ; IC95% : 0,39-0,77 ; p = 0,0005). L’élacestrant est actuellement disponible en France en accès compassionnel.
Conclusion
Les mutations du gène ESR1 sont à l’origine de la résistance à l’HT dans les ABC RH+/HER2-. Ces mutations sont très rarement présentes au diagnostic et apparaissent au cours de l’HT. La recherche de ces mutations est recommandée, à progression de la maladie, sur l’ADN tumoral circulant extrait d’un prélèvement sanguin. L’utilisation de tubes de prélèvement spécifiques, permettant de prévenir la dégradation de l’ADN tumoral circulant, est fortement recommandée, notamment en cas d’analyse externalisée. En cas de résultat négatif, l’analyse peut être réitérée, l’apparition des mutations du gène ESR1 pouvant être différée dans le temps. Le recours au séquençage NGS permet de détecter des mutations actionnables au-delà de mutations du gène ESR1, pouvant être utile pour guider le choix thérapeutique en RCP moléculaire.
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