Aurélien LAMBERT, Institut de Cancérologie de Lorraine (ICL), Nancy
Le NALIRIFOX peut être comparé à un FOLFIRINOX modifié car il ne diffère que par le Naliri (en lieu et place de l’irinotécan) et avec une dose d’oxaliplatine allégée (60 mg/m2 au lieu des 85 mg/m2 habituels) et sans administration de bolus de 5FU. La dose de Naliri à 50 mg/m2 est comparable à de l’irinotécan à dose adaptée 150 mg/m2 (et non dose pleine à 180 mg/m2). D’autant plus que la survie globale de l’étude PRODIGE 4/ACCORD 11 est identique à NAPOLI 3, avec une médiane de 11,1 mois. Le S1 est un agent de chimiothérapie non disponible en Europe mais ayant montré une efficacité dans plusieurs essais prospectifs en Asie.
L’essai GENERATE
Dans cette étude, les auteurs ont souhaité comparer un doublet de chimiothérapies (gemcitabine + nab-paclitaxel) au triplet de chimiothérapies (mFOLFIRINOX ou S-IROX, respectivement standard mondial et asiatique) en situation de 1re ligne métastatique ou en récidive chez des patients porteurs d’un adénocarcinome pancréatique. L’étude à inclus 732 patients dans 3 bras de façon homogène. Le S-IROX est un équivalent de mFOLFIRINOX ou le 5FU est remplacé par du S1 (autre prodrogue du 5FU) et avec des résultats comparables en population asiatique (figure 1).
Figure 1. Schéma de l’étude. © ESMO 2023
Quelle est la meilleure séquence ?
Contre toute attente, le mFOLFIRINOX n’est pas ressorti comme supérieur à l’association gemcitabine + nab-paclitaxel (le S-IROX ayant logiquement des résultats comparables au mFOLFIRINOX). Plus surprenant, l’association gemcitabine + nab-paclitaxel présentait une survie globale médiane de 17,0 mois, bien au-delà de toutes les publications sérieuses et admises sur ce régime. Les protocoles mFOLFIRINOX et S-IROX ayant aussi des médianes de survies globales supérieures à la littérature (14,0 et 13,6 mois respectivement, différence non significative). La survie sans progression et les taux de réponses au traitement étaient également similaires (figure 2). Ces résultats sont directement contradictoires avec ceux de l’étude NAPOLI 3 présentés à l’ASCO 2023.
Figure 2. Survie globale dans les trois bras. © ESMO 2023
Limites de l’études ?
On retrouve plus de femmes incluses dans le bras gemcitabine + nab-paclitaxel (50,6 % contre 40,6 % et 36,4 %). Ceci pourrait avoir eu un impact sur le bénéfice des traitements, dans une population ou les comorbidités peuvent être différentes et ou l’expérience montre parfois plus de long répondeurs dans la population féminine (même si ce bénéfice n’a jamais été démontré(4)).
La population de l’étude est asiatique, ces résultats peuvent difficilement être transposés à la population européenne.
Nous n’avons pas d’informations sur les raisons de la surperformance des bras. Notamment la dose-densité des chimiothérapies n’est pas connue et pourrait avoir un impact. Il est nécessaire d’attendre la publication de l’étude.
Les caractéristiques de la population seront également à détailler (nombre de patients BRCA, MSI, etc. dans chaque bras).
Figure 3. Toxicité selon les bras de traitements. © ESMO 2023
Ce qu’il faut retenir
• Pas de changement de standard avec cette étude. En ce qui concerne la population européenne, le standard reste le triplet de chimiothérapie (FOLFIRINOX) et en option gemcitabine + nab-paclitaxel (si contre-indication au FOLFIRINOX).
• Le FOLFIRINOX modifié semble très efficace et pourrait se substituer à la dose pleine (ce que font déjà plusieurs équipes).
• Les publications des essais NAPOLI 3 et GENERATE doivent être analysées avant de pouvoir tirer plus de conclusions car étant en direct opposition de prime abord.