Publié le 10 oct 2023Lecture 4 min
Dysménorrhées de l’adolescence, faut-il passer par la case endométriose ?
Sylvie LE GAC, Courbevoie - D’après la communication d’Arnaud Fauconnier (CHI Poissy-Saint-Germain)
Face à des dysménorrhées sévères de l’adolescente, l’endométriose n’est pas toujours en cause. Il faut savoir évoquer les phénomènes de sensibilisation pelvienne liés à l’exposition répétée aux stimuli douloureux, en présence ou en absence d’endométriose. Il faut être à l’écoute des patientes, prendre le temps d’expliquer la démarche de prise en charge qui doit être globale et pluridisciplinaire en cas de sensibilisation associée.
L’endométriose est une maladie complexe, qui a un impact important dans la vie des femmes, un retentissement social et sociétal majeur. Sa prévalence est estimée à 10 % des femmes en âge de procréer(1). « Si on se réfère à la littérature sur la cœlioscopie, explique Arnaud Fauconnier (CHI Poissy-Saint-Germain), 2/3 des adolescentes présentant des algies pelviennes chroniques, des dysménorrhées, ont une endométriose confirmée à la cœlioscopie ; 1/3 des adolescentes avec endométriose ont une maladie modérée à sévère. »(2) Pour A. Fauconnier, il existe un biais d’indication, un biais de référence car la réalité est toute autre selon lui : « Sur l’ensemble des cœlioscopies réalisées en France dans cette tranche d’âge 10-21 ans, la prévalence de l’endométriose est plus basse, de l’ordre de 1 % ».
Il existerait encore aujourd’hui une errance diagnostique entre le début des symptômes et le diagnostic(3). Mais le problème est de relier d’emblée cette symptomatologie douloureuse initiale à des symptômes d’origine endométriosique. « Dans ce contexte, la cœlioscopie précoce est-elle bénéfique ? Est-elle un moyen diagnostique fiable ? », s’interroge l’expert. L’endométriose peut exister chez des femmes fertiles et asymptomatiques ; l’endométriose peut ne pas évoluer : 1/3 des maladies va régresser et 1/3 va stagner. Toutefois, l’endométriose est capable de provoquer une sensibilisation réflexe qui évolue ensuite pour son propre compte. Ne faut-il pas éteindre cet incendie avant que ces mécanismes réflexes se mettent en œuvre du fait même de l’endométriose ?
Ces mécanismes de sensibilisation réflexe existent également chez les femmes exposées aux dysménorrhées primitives hyperdouloureuses sans qu’il y ait d’endométriose. Cette sensibilisation est liée à l’exposition répétée à des crises douloureuses invalidantes. « La neuro-imagerie met en évidence des modifications du SNC (plasticité cérébrale) qui renforcent les douleurs, indépendamment de la présence d’endométriose(4) », a souligné Arnaud Fauconnier.
Les dysménorrhées sévères, c’est-à-dire de niveau 3 (échelle verbale « multidimensionnelle » de Andersch & Milsom) sont-elles un marqueur clinique de l’endométriose ? Selon l’étude de Chapron et al. (EClinical Medicine, 2022), lorsqu’il existe des dysménorrhées sévères, la patiente a 5 fois plus de risque d’avoir une endométriose. Pour A. Fauconnier, ce risque est peu élevé et les dysménorrhées sévères peuvent exister sans endométriose.
« L’examen pelvien n’est pas une priorité chez l’adolescente et peut s’avérer peu contributif, a-t-il poursuivi. La présence de signes évocateurs d’endométriose profonde est rare chez l’adolescente(6,7). Il faut rechercher à l’examen le syndrome myofascial qui fait partie des signes de sensibilisation pelvienne mais non déterminant. »
Selon la HAS, l’examen de première intention est l’échographie. « L’échographie par voie abdominale est non contributive dans ce contexte de suspicion d’endométriose », a affirmé A. Fauconnier. L’IRM est l’examen de deuxième intention : « C’est un examen fiable avec un taux de spécificité de 80 % mais réalisé de façon excessive, a indiqué l’expert. Car sa fiabilité dépend de la prévalence a priori au moment où on fait l’examen, ce qui peut générer de nombreux faux positifs. Il faut réaliser l’IRM lorsqu’on a un prétest élevé avec plus de 50 % de chance d’avoir une endométriose, a conseillé Arnaud Fauconnier. Il ne faut pas poser de diagnostic d’endométriose tant qu’il n’y a pas d’arguments clinico-radiologiques forts ».
En pratique, il faut prendre en charge les dysménorrhées invalidantes. A. Fauconnier à partir de la cohorte CONSTANCES a conçu un nomogramme (non encore publié) suivant plusieurs critères pour aider à détecter ces femmes : « Cela ne remplace pas le diagnostic clinique qui doit rechercher un kyste endométriosique chez l’adolescente (Recos, Grade A-B)(8-11). Si l’examen clinique est négatif, il faut traiter ces jeunes patientes qui se plaignent de dysménorrhées primitives sévères avec ou sans endométriose. La simple contraception orale permet souvent la suppression des symptômes. Il faut également accompagner les patientes, leur donner « un parcours de bien-être » : leur apprendre à gérer la douleur par les analgésiques de base, les encourager à faire des exercices de relaxation, du sport, etc. ».
Enfin, comment gérer l’incertitude diagnostique ?(13)
– il faut une approche globale mieux centrée sur les femmes ;
– gérer la douleur de manière appropriée, en parallèle de la prise en charge médicale spécialisée de la maladie ;
– fournir des informations adéquates aux patientes avec l’utilisation de sources d’information clés, y compris des associations de patientes atteintes d’endométriose ;
– rechercher et utiliser un large éventail de modifications de style de vie appropriées.
En conclusion, dysménorrhée ne veut pas dire endométriose. La réalisation d’études de cohortes longitudinales d’adolescentes est nécessaire afin de mieux comprendre le lien entre dysménorrhée, endométriose et sensibilisation.
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