Publié le 10 juil 2023Lecture 4 min
ASCO 2023 | Immunothérapie en péri-opératoire - Nouvelles données encourageantes dans les CBNPC de stades précoces
Édouard AUCLIN, HEGP, Paris
• Les résultats de l’étude Keynote 671 figuraient certainement parmi les résultats attendus durant cet ASCO 2023. Cette étude comparait l’adjonction de pembrolizumab à la chimiothérapie néoadjuvante (4 cycles) avec une phase de traitement adjuvant (13 injections).
Le bras contrôle recevait la chimiothérapie associée à un placebo puis un placebo.
Figure. Design de l’étude Keynote 671. © ASCO 2023
Lors de ce congrès étaient présentés les résultats de la première analyse intermédiaire planifiée après 25 mois de suivi médian. Au total, 797 patients ont été randomisés (bras expérimental n = 397, bras contrôle n = 400). Plusieurs points sont à noter :
1/ seulement 58 % des patients screenés dans l’étude ont été finalement inclus, donc une sélection importante de la population ;
2/ le choix de la chimiothérapie n’était pas laissé à l’investigateur : cisplatine pémétrexed pour les non-épidermoïdes, cisplatine gemcitabine pour les épidermoïdes ;
3/ le profil moléculaire ne devait pas être connu pour débuter le traitement.
Au total, 82,1 % des patients ont été opérés.
L’ajout du pembrolizumab se traduit par un bénéfice significatif en survie sans événement : médiane non atteinte vs 17 mois [HR 0,58 (IC95% : 0,46-0,72, p < 0,001)]. À 24 mois, il y avait 62,4 % des patients du bras pembrolizumab sans événement, versus 40,6 % dans le bras placebo.
La réponse était augmentée dans le bras pembrolizumab : 30,2 % de réponse pathologique majeure (vs 11 %) et 18,1 % de réponse pathologique complète (vs 4 %).
Les données de survie globale n’étaient pas matures, mais il semble y avoir un bénéfice pour l’ajout du pembrolizumab [HR 0,73 (IC95% : 0,54-0,99), p = 0,02] mais pas encore significatif pour cette analyse intermédiaire.
Enfin le profil de toxicité de l’association chimiothérapie-pembrolizumab puis pembrolizumab adjuvant semblait tolérable [toxicités G3-5 44,9 % dans le bras pembrolizumab vs 37,3%, irAES (pour Immune-Related Adverse Events) G3-5 5,8 % vs 1,5 %] même si 40 % des patients sont allés au bout de leur programme thérapeutique.
Cette étude place donc encore une fois l’immunothérapie néoadjuvante comme une sérieuse option thérapeutique même si le rôle de l’immunothérapie adjuvante n’est pas encore clairement démontré. Des études dédiées devraient être menées pour nous permettre d’avoir la certitude de l’intérêt d’une stratégie péri-opératoire.
• Cette autre étude de phase III, NEOTORCH, mettait à l’honneur l’immunothérapie associée à la chimiothérapie en néoadjuvant dans les cancers bronchiques.
Les patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade II/III étaient randomisés entre toripalimab (anti-PD1) ou placebo en plus de la chimiothérapie pré-opératoire. Les patients recevaient 3 cycles de traitement en néoadjuvant, et 1 cycle en adjuvant puis une maintenance soit par immunothérapie, soit par placebo.
Cette étude avait pour particularité d’inclure uniquement des patients asiatiques, dont 77 % étaient atteints d’un carcinome épidermoïde. Lors de l’ASCO 2023, étaient présentés les résultats de l’analyse intermédiaire portant uniquement sur les stades III.
Les bras toripalimab (n = 202) et placebo (n = 202) étaient comparables en termes de caractéristiques cliniques et histologiques (dont expression de PD-L1).
Au total, 17,8 % n’ont pas été opérés dans le bras expérimental contre 26,7 % dans le bras chimiothérapie seule. À noter que dans ces cas, la chirurgie n’était pas réalisée pour cause de progression dans 2,5 % dans le bras toripalimab contre 15,3 % dans le bras placebo.
Un bénéfice en survie sans événement était observé chez les patients atteints d’un CBNPC de stade III traités par toripalimab (médiane non atteinte vs 15,5 mois, HR : 0,40 IC95% : 0,27-0,57, p < 0,0001). Ce bénéfice était présent quelle que soit l’expression de PD-L1 même s’il était moindre en cas d’expression de PD-L1 < 1 %.
Concernant la réponse histologique, elle était également augmentée dans le bras toripalimab comparé au placebo (réponse pathologique majeure 48,5 % vs 8,4 %, réponse pathologique complète 24,8 % vs 1 %).
La tolérance n’était pas beaucoup dégradée sous toripalimab (AE ≥ G3 63,4 % vs 54 % en préopératoire, et 21,7 % vs 20,3 % en postopératoire).
En conclusion
Ces études s’inscrivent dans la lignée des précédentes études de néoadjuvant (CheckMate 816, AEGEAN) en termes de faisabilité et d’efficacité. Les principaux résultats sont résumés dans le tableau ci-dessous.
Même si les résultats sont très encourageants, ces études soulèvent la question de l’intérêt de poursuivre l’immunothérapie en postopératoire, ainsi que celle de la conduite à tenir chez les petits stades.
Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue qu’un screening moléculaire est impératif afin de ne pas faire rater le coche de l’osimertinib en adjuvant pour les patients EGFR mutés.
Tableau. Principaux résultats des études de phase III randomisées en néoadjuvant.
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