Publié le 03 mai 2023Lecture 5 min
Développements en vue CAR-T/bispécifiques - Modification du paysage de prise en charge des lymphomes agressifs
D’après la communication orale de Catherine Thiéblemont (hôpital Saint-Louis, Paris) – SFH, 29-31 mars 2023
Les CAR-T cells et les anticorps bispécifiques montrent une activité antitumorale sans précédent chez les patients avec des lymphomes B réfractaires ou en rechute. Leur développement est extrêmement rapide, notamment en 1re ligne. Il est essentiel d’adapter non seulement la stratégie de prise en charge par rapport à l’agressivité et au risque de rechute mais aussi le parcours de soins.
De nombreuses études ont démontré un haut taux de réponse avec les CAR-T cells anti-CD19 dans les lymphomes agressifs à grandes cellules B en rechute/réfractaires : études de phase 2 telles que ZUMA 1(1), JULIET(2), TRANCEND(3), en 3e ligne thérapeutique, voire plus, et en 2e ligne thérapeutique, études de phase 3 telles que ZUMA 7(4), BELINDA(5), TRANSFORM(6). « Quarante pour cent de réponse durable sont observés. Nous allons assister probablement à une évolution vers la 1re ligne avec ces CAR-T cells en combinaison à la chimiothérapie », a expliqué le Pr Catherine Thiéblemont (hôpital Saint-Louis).
L’étude ZUMA 12 de phase 2(7) a évalué en 1re ligne thérapeutique l’axicabtagène ciloleucel dans les lymphomes diffus à grandes cellules B à haut risque de rechute selon 2 paramètres :
• évaluation de la biologie du lymphome au diagnostic [présence d’un réarrangement (translocations) de MYC et BCL2 ± BCL6) ou un score IPI (Index pronostique international, cf. encadré) ≥ 3] ;
• évaluation dynamique du risque de rechute par PET-scanner après 2 cycles de R-chimiothérapies. Trente-cinq patients (âge médian 61 ans) ont été inclus pour recevoir R-CHOP + l’axicabtagène ciloleucel ; ils présentaient une maladie disséminée au diagnostic avec un score IPI ≥ 3 dans 72 % des cas ; ces patients étaient en réponse insuffisante après 2 cycles de chimiothérapies de type R-CHOP : des scores de Deauville supérieurs à 4 et à 5 étaient objectivés pour l’ensemble des patients. « Les résultats de l’essai ZUMA 12 en fin de traitement sont extraordinaires », a souligné C. Thiéblemont. On observe un taux de réponse globale de 89 % et un taux de réponse complète de 78 %, une durée de réponse à 12 mois toujours présente pour 81 % des patients ; un profil de toxicité connu pour ce type de séquence thérapeutique avec syndromes de lyse cytokinique et neurotoxicité. « Les résultats de survie sont encore immatures mais néanmoins on a l’impression que cette stratégie thérapeutique peut être intéressante pour cette population de patients, a ajouté l’hématologue. Sur le plan biologique, probablement cette population de lymphocytes T qui est « leucaphérésée » de façon très précoce, sans avoir reçu beaucoup de chimiothérapie cytotoxique, peut permettre une expansion cellulaire plus importante. »
*https://experts-recherche-lymphome.org/sinformer-sur-le-lymphome/les-facteurs-pronostiques/
Un essai thérapeutique randomisé de phase 3, ZUMA 23, multi-centres, en ouvert, va débuter avec une population de patients similaire à celle de ZUMA 12. ZUMA 23 va comparer après R-chimio, l’axicabtagène ciloleucel au standard thérapeutique [6 cycles de 21 j de R-CHOP ou 6 cycles de 21 jours de DA-EPOCH-R (dose ajustée de rituximab, étoposide prednisolone, vincristine, cyclophosphamide, doxorubicine)]. « Si les résultats des études de phase 3 sont positifs, les CAR-T cells seront bientôt intégrés en 1re ligne dans les lymphomes agressifs. »
Des CAR-T cells de nouvelles générations aux CAR NK cells
Les CAR-T cells de 2e génération (l’axicabtagène ciloleucel, tisagenlecleucel, lisocabtagène) ont deux domaines de co-stimulation au niveau intracellulaire de la molécule chimérique. Des études sont en cours avec des CAR-T cells de 3e génération avec 3 domaines de co-stimulation intracellulaire ou des Trucks (T cells Redirected Universal Cytokine product) qui vont introduire au niveau de la molécule chimérique des gènes qui vont permettre une performance des CAR-T cells plus importante, la production de cytokines par exemple, une plus grande expansion des CAR-T et une action plus efficace(8).
© Front Immunol. Sec Cancer Immunity and Immunotherapy 2019 Volume 10.
De nouveaux CAR-T cells ont des cibles différentes, voire des cibles combinées sur 2 sites potentiels CD20 et CD19, CD22 et CD19, CD20 et CD22. Des CAR-T cells vont pouvoir cibler le CD5 et être proposés aux patients présentant une LLC, un lymphome de type T, un lymphome à cellules du manteau.
Des molécules chimériques vont être introduites dans des cellules NK (Natural Killers). Cela présente certains avantages par rapport aux CAR-T cells : une toxicité moins importante [moins de syndrome de relargage cytokinique et de neurotoxicité (ICANS pour Immune effector cell-associated neurotoxicity syndrome)] ; une efficacité plus importante vis-à-vis de l’hétérogénéité des tumeurs et notamment celles qui n’expriment pas les antigènes ciblés par les CAR-T cells grâce à une activité cytotoxique antitumorale naturelle et l’action du CAR peut être indépendante par rapport à la cible(9).
© Guozhu Xie et al. EBioMedicine 2020.
Les premières stratégies combinées ont associé CAR-T cells et anti-PD1 (pembrolizumab) dans différents lymphomes. Dans l’étude d’Elise A. Chong(10), le taux de réponse n’a pas été amélioré : 25 % de taux de réponse globale et seulement 1 % de réponse complète ; à 3 mois, aucune efficacité supplémentaire n’est obtenue.
Le LYSA va évaluer une autre stratégie déjà testée sur quelques patients à l’hôpital Saint-Louis(11) : association des CAR-T cells aux CELMoDs et aux IMIDS pour essayer de moduler l’expansion des CAR-T cells et l’interaction avec le microenvironnement. « Des réponses ont été obtenues sur des masses tumorales extrêmement importantes », a indiqué le Pr Thiéblemont.
Les anticorps bispécifiques : quelles innovations ?
On assiste à l’introduction plus précoce des nouvelles générations d’anticorps bispécifiques et également de combinaisons thérapeutiques dans la prise en charge des lymphomes. Le blinatumomab est un anti-CD3 + anti-CD19 ; parmi les anti-CD3 + anti-CD20, on distingue l’epcoritamab, le mosunétuzumab, l’odronextamab, le glofitamab, et en cours de développement, le plamotamab et l’imvotamab. Une des différences entre tous ces anticorps bispécifiques est leur avidité à l’égard du CD20 : pour l’epcoritamab et le mosunétuzumab, l’avidité est de 1:1 à l’égard du CD20 et du CD3, de 2:1 pour le glofitamab et de 10:1 pour l’imvotamab.
Les anticorps trispécifiques en développement vont pouvoir cibler CD20, CD22 et CD3. La voie d’administration des anticorps bispécifiques de nouvelle génération influence la survenue d’effets indésirables. Administrés par voie veineuse, les neurotoxicités et les syndromes de relargage cytokinique sont observés dès la 1re injection alors que par voie sous-cutanée, ces effets indésirables sont décalés dans le temps(12).
De nombreux essais sont en cours avec les anticorps bispécifiques en 1re ligne dans les lymphomes agressifs et les lymphomes indolents, en association avec de la chimiothérapie (R-CHOP, Gemox) ou des inhibiteurs de points de contrôle ou d’autres combinaisons qui visent à potentialiser l’action de ces nouveaux anticorps bispécifiques(13).
« En monothérapie, on obtient des taux de réponse de 40 à 60 %, a affirmé Catherine Thiéblemont. En combinant différentes stratégies (bispécifiques associés à la chimio, à des check-point inhibiteurs, à des IMIDs, l’utilisation d’anticorps conjugués, de facteurs de co-stimulation de cellules T…), on espère obtenir des réponses plus durables et plus profondes(14) ».
En conclusion, le champ des développements thérapeutiques est extrêmement important dans les lymphomes en rechute/réfractaires, avec de très nombreux CAR-T autologues, allogéniques, des CAR NK, etc. L’arrivée d’anticorps bispécifiques ouvre également de nouvelles perspectives de traitements dans les lymphomes agressifs, avec des opportunités de combinaisons thérapeutique toujours plus innovantes. Rappelons qu’aujourd’hui, les indications d’autogreffe sont restreintes aux lymphomes du cerveau et aux lymphomes T. « Nous sommes dans un changement de paradigme où l’adaptation du parcours de soin va être essentiel. »
Sylvie LE GAC, Paris
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