Publié le 20 avr 2023Lecture 4 min
Myélome multiple et sujets âgés fragiles : l’indispensable évaluation onco-gériatrique
D’après la communication orale « Traitement des patients âgés (> 80 ans) fragiles atteints d’un myélome multiple nouvellement diagnostiqué » par le Pr Thierry Facon (CHU de Lille) – SFH, 29-31 mars 2023
La prescription optimale de médicaments de plus en plus complexes à des populations âgées et fragiles atteintes de myélome multiple est une question clinique importante. L’évaluation onco-gériatrique basée sur des scores de fragilité est donc fondamentale, car elle permet de catégoriser de façon objective le patient afin d’aider le clinicien à choisir la meilleure stratégie thérapeutique.
Le myélome multiple est une maladie du sujet âgé ; l’âge médian au diagnostic est de 69 ans et l’âge médian de survenue du décès est de 75 ans. Mais tous les sujets âgés ne sont pas égaux face à la maladie, cette population est hétérogène en raison de leurs facteurs de risque et de la présentation du myélome. Trois groupes de patients sont individualisés : des patients en bonne santé (actif, autonome, avec une activité physique régulière), des patients avec une capacité physique limitée mais restant autonomes, des patients fragiles qui ont besoin d’aide pour accomplir les tâches ménagères, dépendants des autres notamment pour leurs soins.
Les patients fragiles ont des survies sans maladie plus courtes, interrompent leurs traitements plus souvent, ont davantage d’effets indésirables non hématologiques et meurent plus précocement. Différents scores permettent de déterminer la fragilité de chaque patient(1-3), basée sur l’âge, les comorbidités… selon les études.
Dans l’analyse rétrospective de l’étude FIRST (Frontline Investigation of lenalidomide + dexamethasone versus Standard Thalidomide), une échelle de fragilité simplifiée a été utilisée, basée sur le test de marche, l’index de comorbidités Charlson et le statut ECOG PS, les patients les plus fragiles sont ceux qui ont le plus mauvais pronostic par rapport aux patients non-fragiles : survie globale de 42,1 mois pour les patients fragiles versus 70,1 mois pour les patients non fragiles (p < 0,0001)(4).
L’essai de phase 3 randomisé ALCYONE(5) a comparé chez plus de 700 patients le traitement standard VMP (bortezomib – melphalan – prednisone) à l’association daratumumab -VMP (D-VMP). Dans l’étude ALCYON, La proportion des patients de plus de 75 ans est de 30 %. Ils sont 40 % dans l’étude MAIA(6) âgés de 75 ans et 91 ans. L’ajout d’un anticorps anti-CD38, le daratumumab, apporte un bénéfice majeur pour les patients en termes de PFS : elle est d’un peu plus de 3 ans contre 19 mois pour le VMP seul. La médiane de survie globale est ici de 83 mois (figure).
Figure. ©DR
L’essai MAIA de phase 3 démontre, chez des patients atteints de myélome multiple récemment diagnostiqué non éligibles à une greffe, les bénéfices en termes de survie de l’ajout d’un anti-CD38, le daratumumab, à la combinaison lenalidomide + dexaméthasone avec une médiane de PFS de plus de 5 ans. La médiane de survie dans MAIA n’est toujours pas atteinte ; elle sera au-delà de 80 mois (figure).
Les analyses rétrospectives en se basant sur les critères de fragilité montrent également que les patients âgés et fragiles dans l’étude MAIA(7) ont une maladie résiduelle plus importante et ont davantage d’effets indésirables conduisant à des arrêts de traitements plus fréquents.
L’analyse de qualité de vie de l’étude MAIA montre que l’ajout de l’anti-CD38 améliore de façon significative la symptomatologie douloureuse ; ce bénéfice s’observe assez rapidement et se maintient dans le temps(8).
« Récuser des patients de l’addition d’un anti-CD38 en raison de leur âge et/ou de leur fragilité est discutable car ces médicaments sont très efficaces et améliorent la qualité de vie. Il ne faut pas s’autocensurer et bien y réfléchir », a tenu à souligner Thierry Facon.
L’essai FITNESS, essai anglais en cours, évalue le concept d’ajuster d’emblée ou non la dose du traitement d’induction (ixazomib + lenalidomide + dexaméthasone ou lenalidomide + dexaméthasone) à la fragilité du patient âgé.
Dans l’essai IFM 2017-03 de phase 3 comparant le lénalidomide et le daratumumab (DR) en injection sous-cutanée versus le Lénalidomide et la dexaméthasone (Rd) chez des sujets fragiles de plus de 80 ans atteints de myélome multiple en traitement de première ligne et non éligibles à une chimiothérapie à forte dose, 2 scores de fragilités, celui de l’IFM à celui de l’IMWG (tableau), ont été utilisés et sont concordants. Dans cet essai, le groupe DR présente un taux de réponse objective supérieure au groupe Rd, 96 % versus 85 % respectivement, un taux de réponse complète de 17 % pour le bras DR versus 10 % dans le bras Rd. Les effets secondaires de grade ≥ 3 ont été plus fréquents dans le bras DR (82 %) versus Rd (68 %) ; le risque infectieux de grade ≥ 3 était plus important dans le bras Rd que dans le bras DR, 18 % versus 13 %, respectivement. « Ce sont des premiers résultats. »
Tableau. Score de fragilité de l’IMWG (International Myeloma Working Group).
Le score de fragilité est coté de 0 à 5, classant les patients comme en forme (score de 0), intermédiaires (score de 1), ou fragiles (score ≥ 2).
La cohorte EMMY est une étude épidémiologique de vraie vie de la prise en charge du myélome multiple nouvellement diagnostiqué ou en rechute chez les patients de 80 ans et plus. Leur médiane de PFS est de 20 mois et une médiane de survie globale de presque 40 mois (données de 2017 à 2019). L’analyse des données en première ligne de traitement n’a pas pris en compte l’effet de l’arrivée de la classe des anti-CD38 puisque l’étude a précédé cette arrivée dans les stratégies de traitement.
Des points à surveiller : le risque infectieux, la maladie résiduelle, la poursuite ou non d’une durée fixe de traitements actifs(9).
« La dynamique de la mise à disposition de nouveaux traitements dans le myélome (nouveaux IMiDs/CELMoDs, les anticorps bispécifiques, les CAR-T cells) est extrêmement soutenue. Ces médicaments sont de plus en plus sophistiqués ; ils se combinent entre eux. Il convient dans ce contexte de se pencher sur la fragilité des patients. Ce besoin d’analyse de fragilité s’est imposé par elle-même. L'hétérogénéité de la population des sujets âgés et très âgés doit faire réfléchir aux objectifs du traitement dans ce groupe », a conclu le Pr Facon.
Sylvie LE GAC, Paris
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