Publié le 19 avr 2023Lecture 6 min
Exploration génomique des myélomes en rechutes précoces - Comment caractériser un myélome de haut risque
D’après la communication de Jill Corre, Unité de génomique du myélome, Institut universitaire du cancer, CHU de Toulouse – SFH, 29-31 mars 2023
L’enjeu du projet GAMER (Genomic Abnormalities of Myeloma Early Relapse) est de prédire le risque de rechute précoce dès le diagnostic d’un myélome multiple grâce à la génomique. À cela s’ajoute la définition fonctionnelle du haut risque lié à la maladie résiduelle positive.
« Le myélome multiple (MM) est l’hémopathie maligne qui comporte le plus grand nombre de mutations, très diverses, avec peu de récurrences, ce qui complique encore davantage la prédiction du risque de rechute(1) », a indiqué Jill Corre (Unité de génomique du myélome, Institut universitaire du cancer, CHU de Toulouse).
L’enjeu du projet GAMER (Genomic Abnormalities of Myeloma Early Relapse) est de prédire le risque de rechute précoce dès le diagnostic d’un myélome multiple grâce à la génomique. Est-ce que cette situation est toujours aussi péjorative ? « Nous avons démontré qu’une rechute précoce survenant dans les 18 mois après l’instauration d’un traitement intensif d’induction de type VRD (Velcade® + Revlimid® + dexaméthasone), était systématiquement associée à un mauvais pronostic(2) (encadré 1), affirme la biologiste tout en soulignant, ce qui est étonnant est qu’un certain nombre de patients avec un risque standard du point de vue cytogénétique rechutent également de façon précoce ». À l’évidence, la définition du haut risque basée sur [del17p/t(4;14)] n’est pas suffisante pour prédire le risque de rechute précoce(2).
Encadré 1. Facteurs pronostiques du myélome.
Le projet GAMER est de réaliser, au diagnostic du MM, du séquençage haut débit (Whole Genome Sequencing) associé à du séquençage ARN et méthylome chez des patients qui ont tous reçu un traitement intensif d’induction de type VRD. Trois groupes de patients ont été constitués : Groupe 1 (n = 269) = patients en rechute avant 18 mois qui ne présentaient ni de délétion17p, ni de translocation (4;14) ; Groupe 2 (n = 203) = patients en rechute au-delà de 36 mois ou encore en rémission ≥ 36 mois sans délétion 17p, ni de translocation (4;14) ; Groupe 3 (n = 162), groupe contrôle, patients à haut risque avec del(17p) ou t(4;14) au diagnostic.
L’objectif est de trouver des facteurs de haut risque de rechute de MM en dehors de la del(17p) ou t(4;14). L’hypothèse est que le Groupe 1 permettra d’identifier de nouveaux facteurs déterminants le haut risque. « Rappelons que le myélome multiple est une maladie très hétérogène. »
La seule translocation retrouvée plus fréquemment dans le G1 est la t(14;16), 7 % de patients concernés versus 1 % du G2. Cette translocation reste rare (3,5 % des patients atteints de MM), souvent associée à d’autres anomalies et sa valeur pronostique indépendante reste discutée(3-6) ; elle ne fait donc pas partie du score pronostique IFM (encadré 2), ni de la classification ISS révisée 2(7). Elle est associée à une charge mutationnelle plus importante (élément péjoratif), à une signature génomique de type APOBEC (signature enzymatique tumorale)(8).
Encadré 2. Score pronostique de l’IFM (Intergroupe Francophone du myélome).
Les mutations TP53, ATM, EGR1 sont plus fréquentes dans le G1 (non mutuellement exclusive). Les mutations de TP53 et de FGFR3 sont plus fréquentes dans le G3 pour lequel on relève moins de mutations KRAS et NRAS de la voie MAPkinases.
Il existe une del(17p) et une mutation TP53 le plus souvent dans les autres hémopathies malignes ; on retrouve dans le MM une del(17p) isolée qui est un facteur pronostique important ; parfois, également seul TP53 est muté et présage d’une maladie plus agressive.
La voie MAPkinases (KRAS, NRAS, BRAF) est mutée de la même façon entre les groupes 1 et 2 (retrouvée chez 60 % des patients). Cette voie de signalisation a un rôle capital dans l’initiation de la maladie mais ne présente pas de rôle pronostique.
Ce qui diffère entre les G1 et G2 est la voie de l’intégrité du génome avec des mutations de l’ordre de 22 % dans le G1 versus 10 % dans le G2. Les mutations de la voie de l’intégrité du génome et des récepteurs aux tyrosines kinases sont plus fréquentes dans le G3, par contre, la voie des MAPK est moins ciblée dans ce groupe.
« Nous avons des marqueurs d’instabilité génomique plus marquée dans le groupe 1 par rapport au groupe 2. Cette instabilité est mesurée en comptant le nombre de variants structuraux (nombre de translocations, délétions, insertions, etc.) plus présents dans le G1 que dans le G2, la charge mutationnelle plus présente dans le G1 que dans le G2 et enfin le Genomic Scar Score (GSS) basé sur les grandes pertes de génome, plus important dans le G1 que dans le G2. »
Il existe des événements génomiques catastrophiques ou chromothripsis. Ici, il n’existe pas de différence entre les G1, G2et G3. En termes de variations de nombre de copies, le G1 a davantage de gain 1q, del(16q) et del(18p), le G2 a davantage de gains 9 et 19 (événement non mutuellement exclusif).
Quel est le rôle du nombre de copies de 1q ?
Il existe un groupe de patients qui présente plus de 3 copies, il s’agit d’amplification. Des données de la littérature sont contradictoires mentionnant aucun impact ou rendant la maladie plus agressive(9,10). Ici, il semblerait que ce n’est pas le nombre de copies qui comptent mais plutôt l’association à d’autres anomalies de haut risque.
En ce qui concerne la signature mutationnelle, les signatures APOBEC, Clock-like et réparation de l’ADN par réparation homologue, sont significativement plus présentes dans le G1.
La délétion biallélique del(1p32) est retrouvée chez 20 % des patients et détermine un ultra-haut risque (survie globale de 24 mois)(11).
Un modèle prédictif basé sur l’ADN prenant en compte 6 variables [voie de l’intégrité génomique, la charge mutationnelle (cut-off ≤ 7 293,5), le Genomic Scar Score (cut-off ≤ 8,5), del(16q), gain 1q, t(14;16)], a été construit, définissant un score correspondant à la somme des variables : score à faible risque = 0,1,2 ; score à haut risque = 3,4,5. Ce modèle permet de distinguer 2 sous-groupes de patients de bas et haut risque dans le groupe 1 en rechute précoce, avec 75 mois de survie versus 40 mois respectivement.
L’analyse de l’ARN permet de constater que ces 2 groupes ont des profils transcriptionnels assez différents : surexpression des gènes de l’inflammation, de la voie P53, du cycle cellulaire et de la croissance tumorale.
Conclusions préliminaires
Les mutations P53 isolées ont un poids pronostique mais il faut en identifier d’autres. Il est essentiel d’inclure les anomalies du chromosome 1 dans l’évaluation pronostique génétique du myélome. Il n’y a pas d’événement mutuellement exclusif. Le risque est une combinaison de différents facteurs et on aura sûrement besoin de l’IA pour prendre en compte toutes les variables qui interagissent entre elles (encadré 3).
Encadré 3. Qu’est-ce qu’un myélome de haut risque ?
De prochaines analyses concerneront les événements bialléliques autres que TP53, établir le lien entre le niveau de clonalité des mutations et le pronostic. Jill Corre travaille sur des marqueurs de substitution pour analyser la charge mutationnelle de panels ciblés. Il conviendra à l’avenir d’incorporer au modèle prédictif des données ARN et pourquoi pas le méthylome.
La co-occurrence d’anomalies cytogénétiques de haut risque est un facteur prédictif de sous-groupes de très haut risque(12).
Confronter toujours la cytogénétique ou les facteurs pronostiques au diagnostic à la réponse au traitement permet de faire des progrès. Un myélome primo-réfractaire est de plus mauvais pronostic(13). Dans l’essai CASSIOPEIA, la présence d’une maladie résiduelle dès l’induction est de mauvais pronostic, même si elle se négative après la période de consolidation(14).
Une maladie résiduelle indétectable doit être un objectif des sujets de haut risque cytogénétique(15).
Sylvie LE GAC, Paris
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