Publié le 20 fév 2023Lecture 4 min
Une masse médiastinale antérieure révélant une tumeur rare chez l’enfant : le thymome
Mohamed KARI, A. OURRAI, A. HASSANI, R. ABILKASSEM, A. AGADR, service de pédiatrie, hôpital militaire Mohamed V, Rabat (Maroc)
Les thymomes sont des tumeurs du médiastin antérieur, provenant de l’épithélium thymique(1). Ils se produisent plus fréquemment entre les quatrième et sixième décennies de la vie(1,2). Chez les enfants, ils sont rares, représentant 5 % des masses médiastinales, avec seulement quelques cas rapportés chez des patients de moins de 15 ans(3,4). Dans la population pédiatrique, la plupart des tumeurs localisées au médiastin sont d’origine neurogène ou lymphatique, et les thymomes représentent une minorité de cas(5).
À travers l’observation d’un enfant âgé de 13 ans et une revue de la littérature, nous proposons de faire le point sur les particularités cliniques, thérapeutiques et évolutives de cette tumeur.
Observation clinique
Y., garçon âgé de 13 ans, sans antécédent particulier, est pris en charge dans le service de pédiatrie pour une douleur thoracique traînante. L’histoire de sa maladie remonte à un mois auparavant, avec l’installation de douleurs thoraciques antérieures gauches à type de point de côté intermittent accompagnées d’une dyspnée au repos cédant spontanément, le tout évoluant dans un contexte d’apyrexie et de conservation de l’état général. L’examen à l’admission de cet un enfant apyrétique, eupnéique, ne met en évidence aucune anomalie sur le plan pleuro-pulmonaire ainsi que cardiovasculaire. La radiographie du thorax (figure 1) montre une opacité homogène convexe vers le poumon gauche dont la limite interne est noyée dans le médiastin antérieur, sans lésion parenchymateuse. L’échographie transthoracique est sans particularité. Le bilan radiologique est complété par un scanner thoracique (figure 2) objectivant la présence au niveau du médiastin antérieur et moyen gauche d’une masse de densité tissulaire, de forme ovalaire, de contours réguliers, mesurant 37 × 52 × 58 mm, sans lésion parenchymateuse, ni adénopathie, ni lésion vertébrale associée. Le bilan biologique n’objective pas d’anomalie au niveau de la numération formule sanguine ; les dosages de l’alpha-fœto-protéine et de la βHCG sont revenus normaux. L’étude anatomopathologique de la biopsie de la masse tumorale, réalisée sous contrôle tomodensitométrique, met en évidence une prolifération tumorale d’architecture lobulée, avec de nombreux septa fibreux. Cette prolifération est faite de tissu lymphoïde, avec de rares corps de Hassel, et de nombreux amas de cellules épithéliales fusiformes évoquant un thymome à prédominance lymphocytaire.
Figure 1. Importante opacité médiastinale antérieure gauche à limite externe convexe et régulière.
Figure 2. Tomodensitométrie thoracique : masse médiastinale antéro-supérieure et moyenne gauche.
L’étude immuno-histochimique réalisée confirme le diagnostic d’un thymome de type AB. Le bilan d’extension s’avère négatif. Le patient bénéficie d’une thymectomie (figure 3). Les suites opératoires sont simples. L’examen anatomopathologique définitif de la pièce opératoire, ainsi que l’étude immuno-histochimique permettent de retenir le diagnostic de thymome de type AB de résection complète. L’évolution postopératoire du patient est bonne sur le plan clinique et radiologique.
Figure 3. Aspect macroscopique de la pièce de thymectomie.
Discussion
Le thymome est une tumeur exceptionnelle chez l’enfant. Le sex ratio est proche de 1(6). Il est souvent asymptomatique, ce qui explique un diagnostic le plus souvent fortuit, évoqué devant une masse médiastinale antéro-supérieure à la radiographie du thorax(7). D’autres symptômes, en général peu spécifiques, peuvent être retrouvés : l’inconfort et la douleur thoracique rétro-sternale, la toux, la dyspnée, l’amaigrissement et la paralysie diaphragmatique. Un syndrome cave supérieur peut être présent en cas de grosse tumeur compressive(6,7). Par ailleurs, devant un terrain de pathologie auto-immune, notamment une myasthénie grave, le diagnostic doit être évoqué, puisque cette affection est associée au thymome dans près de 25 % des cas chez l’adulte – mais moins de 10 % chez l’enfant(8). La confirmation du diagnostic passe par une imagerie adaptée. La tomodensitométrie thoracique est l’examen de choix. Elle montre une masse polylobée se développant aux dépens de la loge thymique, et recherche un éventuel envahissement locorégional (plèvre, péricarde, gros vaisseaux, etc.). La recherche de maladie autoimmune associée est orientée selon les symptômes(7,9). Le bilan doit être complété par un dosage sanguin de l’alpha-fœto-protéine et de la βHCG (hormone chorionique gonadotrope) pour éliminer une éventuelle tumeur germinale non séminomateuse(9).
Différentes classifications histologiques des thymomes ont été proposées. La plus utilisée est celle de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2004 qui divise les thymomes en sous-types en fonction de la population lymphocytaire et de la présence d’atypies cellulaire (A, AB, B1, B2, B3, C)(10) ; le risque de récidive après exérèse augmente statistiquement d’un groupe à l’autre, du A au C. La classification de Masoaka est une autre classification qui prend en compte le degré d’envahissement local(11).
Le thymome est caractérisé par une évolution lente. Son pronostic dépend de plusieurs facteurs(6) : le stade de la tumeur, l’existence d’une invasion microscopique de la capsule, l’envahissement des gros vaisseaux, le type histologique, la qualité de la résection chirurgicale, l’efficacité du traitement et l’association avec une érythroblastopénie. La présence d’une myasthénie, anciennement considérée comme un facteur de mauvais pronostic, ne l’est plus du fait d’une meilleure prise en charge médicale de la maladie.
Les options de traitement pour un thymome comprennent la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie. La résection chirurgicale complète est le traitement de choix. La radiothérapie doit être utilisée dans les tumeurs incomplètement réséquées ; cependant, elle devrait être évitée, si possible, chez les enfants en raison de sa morbidité. La chimiothérapie est réservée au traitement des formes métastatiques, persistantes ou en rechute(12), d’où l’intérêt d’un suivi prolongé.
Malgré l’occurrence rare dans le groupe d’âge pédiatrique, les thymomes devraient être considérés comme diagnostic différentiel pour toute découverte d’une masse médiastinale antérieure(13).
Conclusion
Le thymome est une cause rare de tumeur médiastinale chez l’enfant. Sa découverte est le plus souvent fortuite et son évolution est souvent lente. Une imagerie adaptée, complétée par une biopsie chirurgicale, paraît indispensable avant toute décision thérapeutique.
Publié dans Pédiatrie Pratique
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