Publié le 22 nov 2021Lecture 4 min
Lymphomes cutanés : innovations diagnostiques et thérapeutiques
Caroline GUIGNOT, Lille
La compréhension de la physiopathologie des lymphomes cutanés et de leur diversité a conduit au développement de nombreuses pistes thérapeutiques. L’investigation se poursuit.
Ces dernières années, les études de séquençage nouvelle génération (NGS) ont mis en exergue deux particularités dans le domaine des lymphomes cutanés : la première est l’importante diversité en termes de nature et de nombre de mutations dans les cohortes de patients atteints de CTCL (cutaneous T-cell lymphoma). Parallèlement, il existe une extrême variabilité du nombre de copies de certains gènes (Park). Ces anomalies génétiques impliquent cependant, dans leur majorité, des voies biologiques communes comme JAK-STAT, MAPK, TCR ou NF-κB. Les analyses NGS permettraient in fine de distinguer des groupes distincts de tumeurs(1) : celles dans lesquelles on retrouve une mutation de TP53, celles dans lesquelles les gènes de la voie NF-κB sont impliqués, et un troisième groupe excluant les deux précédents groupes de mutation, présentant d’autres anomalies. Dans cette étude, la survie globale était comparable dans les trois groupes de patients, mais leur pronostic était d’autant plus sombre que le nombre total de mutations était élevé.
Pour parfaire le tableau, notons deux éléments émergents dans la littérature, qui semblent déterminants dans l’évolution tumorale et pourraient aboutir à de nouvelles pistes de traitement : d’une part les modifications épigénétiques, avec notamment des altérations de la méthylation de l’ADN ou de la modification des histones, et, d’autre part, l’hétérogénéité des clones tumoraux en analyse single cell.
Sur le plan de l’immunophénotypage, le recours au protocole Euroflow standardisé combinant 34 clusters de différenciation (CD) en trois cytométries de flux successives a amélioré l’identification, la caractérisation et la classification des lymphomes cutanés. Des progrès relatifs à la classification des CTCL et du syndrome de Sézary devraient aider à améliorer les questions pronostiques et thérapeutiques.
MULTIPLICITÉ DES CIBLES
Grâce à la caractérisation des cellules tumorales, des progrès thérapeutiques ont été réalisés ces dernières années et d’autres se profilent. Outre la prédominance des mutations de la voie NF-κB dans 8 lymphomes B cutanés sur 10, l’existence de mutations dans des voies de signalisation canoniques comme BRAF (voie MAPK), PIK3R1 (PI3K) ou STAT3 (JAK-STAT) dans un sous-groupe de lymphomes cutanés primitifs diffus à grandes cellules de type jambe (LBCGC-LT)(2) constituent autant de mécanismes cibles dans lesquels évaluer des traitements déjà existants ou en développement. Un autre acteur de la voie du checkpoint immunitaire (LAG3) a aussi été récemment décrit. Son activité est associée à un mauvais pronostic du LBCGC probablement en association à l’expression de PD-L1(3).
Des travaux complémentaires sont nécessaires pour évaluer le lien entre ces deux effecteurs et la capacité des traitements ciblés à améliorer le pronostic associé.
Les CBCL (cutaneous B-cell lymphoma) ont un pronostic variable selon leur type. Le LBCGC est celui dont le pronostic est le plus sombre et pour lequel la recherche clinique est la plus active. En cas de forme agressive, le protocole R-CHOP (combinaison de chimiothérapie et de rituximab) est le plus utilisé, mais il ne donne pas de résultats satisfaisants à court ou à moyen terme dans 1 cas sur 2. Récemment, deux traitements ont été indiqués en France dans le lymphome diffus à grandes cellules B, reposant sur des cellules T à récepteur antigénique chimérique (CART) prélevées chez les patients puis génétiquement modifiées pour se fixer spécifiquement au CD19 des cellules tumorales ; ceux-ci sont étudiés dans les sous-types de LCB, notamment en association avec d’autres thérapies ciblées. Par ailleurs, d’autres anticorps monoclonaux ciblant CD20 (ofatumumab) ou d’autres cibles sont à l’étude comme les anti-CD40 (dacetuzumab) ou les anti-CD19, seuls ou en association à des molécules conventionnelles ou d’autres biothérapies. Des anti-corps bispécifiques sont aussi en développement ainsi que des inhibiteurs de BTK (tyrosine kinase de Bruton : ibrutinib, aca- labrutinib, etc...), pi3K (parsaclisib), mTOR, bcl-2... ou encore des approches innovantes de virothérapie oncolytique.
Concernant les CTCL, un traitement topique par chlorméthine a été autorisé en 2017 dans le type mycosis fongoïde (MF) des patients adultes, le sous-type le plus fréquent. Plus récemment, le mogamulizumab a été enregistré dans le traitement du MF ou du syndrome de Sézary, après échec d’au moins un traitement systémique, avec une efficacité supérieure à celle du vorinostat. Dans cette indication, plusieurs autres solutions sont prometteuses, comme le brentuximab védotine, un anticorps anti-CD30 dont l’expression est retrouvée fréquemment dans le LTC-MF et le syndrome de Sézary, ou encore des inhibiteurs de check-point immunitaires, des JAK/STAT ou de HDAC....
La transplantation allogénique de cellules souches hémato-poïétiques bénéficie aussi d’un regain d’intérêt grâce aux progrès réalisés en matière de conditionnement, de sélection des donneurs ou d’induction de la tolérance immunitaire ...(4)
C’est à ce jour le seul traitement curatif des LTLC.
L’identification de biomarqueurs prédictifs de réponse pourra ensuite faciliter la sélection des traitements les plus adaptés. Un pas vers une médecine plus personnalisée, pour laquelle des études translationnelles et des essais cliniques prospectifs seront nécessaires. En ce sens, le registre international prospectif Proclipi qui rassemble aujourd’hui plus de 1500 patients atteints de LTC-MF peut être cité, car ces enseignements pourraient aider à optimiser la prise en charge de la maladie.
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