Publié le 23 juin 2021Lecture 4 min
Hypertension artérielle pulmonaire chez un patient traité par dasatinib
Théodosios BITSIS et coll.*, Service de cardiologie, USIC, ICPC Floréal, Bagnolet
Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 88 ans avec antécédents de leucémie myéloïde chronique sous dasatinib, adressé en USIC de notre clinique pour dyspnée d’effort évoluant depuis quelques semaines. Le bilan biologique met en évidence des dimères et BNP augmentées. L’examen clinique retrouve des oedèmes des membres inférieurs bilatéraux. L’angioscanner thoracique est normal. L’échocardiographie pose le diagnostic d’une hypertension pulmonaire artérielle sévère. L’évolution sera favorable sous traitement diurétique.
L'hypertension pulmonaire est définie comme une pression artérielle moyenne (PAPm) supérieure ou égale à 25 au repos. La PAP normale au repos et de 14+3 mmHg avec une limite supérieure de 20 mmHg.
Le diagnostic d’hypertension artérielle pulmonaire repose sur la mesure de PAPm par cathétérisme cardiaque. Cependant le cathétérisme cardiaque est un examen invasif.
L’échocardiographie comme examen non invasif joue un rôle important dans le diagnostic et le suivi des patients.
La principale mesure utilisée en pratique quotidienne et le calcul de la PAP systolique utilisant les flux des régurgitations tricuspides en Doppler continu. La PAP est estimée par l’équation de Bernoulli simplifiée (4V² + pression de l’oreillette droite) en l’absence de sténose pulmonaire. De cette façon le diagnostic d’hypertension pulmonaire est probable pour une Vmax supérieure à 3,4 m/s. À noter que lors des IT laminaires l’équation de Bernoulli n’est pas valide.
La classification clinique internationale des HTP permet de regrouper ses pathologies en fonction de leurs caractéristiques physiopathologiques, leur présentation et leur prise en charge.
Le groupe 1 regroupe les maladies caractérisées par un intense remodelage des artères pulmonaires de petit calibre lié à une prolifération des cellules endothéliales et musculaires lisses vasculaires.
L’hypertension artérielle pulmonaire peut être : a) idiopathique ; b) héritable ; c) associée à diverses maladies (connectivités) ; ou d) associée à l’utilisation de toxiques ou de certains médicaments.
La leucémie chronique myéloïde (LMC) apparaît lorsqu’une cellule-souche pluripotente subit une transformation maligne et clonale entraînant une surproduction de granulocytes immatures.
Initialement asymptomatique la progression est insidieuse avec des manifestations non spécifiques « bénignes » aboutissant finalement à une phase d’accélération ou face blastique avec des signes plus inquiétants tels qu’une splénomégalie et des adénopathies.
Les frottis sanguins et médullaires, ainsi que la mise en évidence du chromosome Philadelphie confirment le diagnostic.
Le traitement repose sur les inhibiteurs de la tyrosine kinase, tels que le dasatinib, l’imatinib et le nilotinib, qui améliorent considérablement la réponse et prolongent la survie. Les agents myélosupresseurs (p.eg. hydroxyurée), la transplantation des cellules-souches et l’interféron alpha peuvent aussi parfois être utiles.
La posologie initiale pour la phase chronique est des 100 mg une fois par jour. La posologie initiale recommandée pour la phase accélérée de LMC, la phase blastique myéloïde ou blastique lymphoïde est de 140 mg fois une par jour.
Les principaux effets indésirables du dasatinib sont la myélosuppression, les accidents hémorragiques, la rétention hydrique, l’allongement de l’intervalle QT et l’hypertension pulmonaire artérielle (HTAP).
Cas clinique
Monsieur F, âgé de 88 ans, a été hospitalisé pour dyspnée d’effort et œdème des membres inférieurs évoluant depuis quelques semaines.
Il n’a aucun antécédent cardiovasculaire et pour facteurs de risque l’âge et le sexe masculin.
L’examen clinique à l’entrée retrouve des œdèmes des membres inférieurs. L’auscultation cardiaque bruits du cœur réguliers sans souffle ajouté. L’auscultation pulmonaire révèle des crépitants bilatéraux des bases. Le reste de l’examen montre une hépatosplénomégalie. L’électrocardiogramme enregistre un rythme sinusal régulier à 80 bpm, des QRS fins sans troubles du rythme/conduction ni de la repolarisation. La biologie met en évidence une Hb à 10, une thrombopénie à 75 000, CRP à 35 et une insuffisance rénale modérée. Le reste du bilan est sans particularité.
L’angioscanner thoracique ne montre pas d’embolie pulmonaire.
L’échocardiographie montre une fraction d’éjection du ventricule gauche à 55 % en Simpson sans troubles de la cinétique segmentaire ni de valvulopathie significative, mais une hypertension artérielle pulmonaire sévère avec 90 mmHg et une veine cave inférieure dilatée, mais compliante. Les cavités droites sont dilatées, la fonction longitudinale du VD est dans les valeurs normales (S’12). Devant les signes d’insuffisance cardiaque le patient est mis sous un traitement diurétique par furosémide initialement intraveineux puis per os avec évolution clinique lentement favorable. L’échocardiographie de contrôle met en évidence une baisse de la pression artérielle pulmonaire à 50 mmHg.
Le patient est sorti sous traitement diurétique. Une consultation avec son hématologue est prévue dans une semaine afin de discuter la suite de la prise en charge médicale après l’arrêt du médicament.
Discussion
Des cas d’HTAP ont été rapportés en association avec le traitement par dasatinib (après initiation du traitement, y compris après plus d’un an de traitement).
Une échocardiographie doit être effectuée à l’initiation du traitement chez tout patient qui présente des symptômes de maladie cardiaque et doit être envisagée chez les patients ayant des facteurs de risque cardiovasculaires.
Chez les patients porteurs d’une dyspnée et fatigue, des étiologies fréquentes doivent être recherchées y compris épanchement pleural, Odème pulmonaire, anémie ou infiltration pulmonaire.
Conformément aux recommandations en cas des effets indésirables, la dose du dasatinib doit être réduite ou arrêter.
Si le diagnostic d’HTAP est confirmé, le médicament doit être arrêté définitivement.
Figure 1. (A) Fraction d’éjection du ventricule gauche à 55 % en Simpson. (B) Veine cave inférieure dilatée mais compliante. (C) Hypertension artérielle pulmonaire avec PAPS à 90 mmHg. (D) Dilatation des cavités droites.
* J. DIAROVA, H. SITBON, Service de cardiologie, USIC, ICPC Floréal, Bagnolet
"Publié dans Cardiologie Pratique"
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