Publié le 20 avr 2021Lecture 7 min
Immunothérapie des CBNPC métastatiques
Michèle DEKER, Paris
L’immunothérapie constitue une véritable révolution dans la prise en charge des cancers bronchiques, déjà en oeuvre au stade métastatique mais aussi prochainement dans les formes localisées. Nous sommes passés très rapidement d’un algorithme dépendant exclusivement de la chimiothérapie, avec une médiane de survie de 1 an et 25 % de patients en vie à 2 ans, à un algorithme fondé sur un biomarqueur, l’expression de PD-L1.
L’immunothérapie consiste à exploiter le cycle de la réponse immunitaire antitumorale ; chacune de ses étapes peut être modifiée par un grand nombre de facteurs, ce qui complexifie la réponse à l’immunothérapie : au niveau de la tumeur, la charge en néo-antigènes, la présence éventuelle d’une addiction oncogénique, d’autres mutations pouvant influencer le microenvironnement tumoral ; au niveau de la présentation antigénique, la diversité HLA ; au niveau du priming, la diversité du récepteur des cellules T (TCR), le microbiote ; lors de la migration et de l’infiltration tumorale, les cellules T spécifiques de l’antigène, l’angiogenèse, des facteurs impactant le microenvironnement tumoral ; au niveau des dernières étapes, la reconnaissance des cellules tumorales par les cellules T, le process et la présentation des antigènes ; l’expression de check-point inhibiteurs qui bloquent la réponse immunitaire (PDL1, LAG3, TIM, TIGIT, etc.).
On dispose actuellement des anti-CTLA-4 et des anti-PD1/anti-PD(L)-1, dont le site d’action diffère :
– les anti -CTLA-4 bloquent CTLA-4, facteur inhibiteur du second signal d’activation lors du priming des lymphocytes T spécifiques de l’antigène mais naïfs de leur rencontre avec l’antigène ; l’expression de CTLA-4 contribue à freiner l’expansion clonale de ces lymphocytes. Deux agents sont disponibles : ipilimumab et tremelimumab ;
– les anti-PD(L)-1 qui bloquent l’interaction entre PD1/PDL-1 entre les cellules tumorales et les lymphocytes T, de même qu’entre les lymphocytes T et d’autres cellules présentes dans le microenvironnement tumoral.
En 2e ligne
Le développement de l’immunothérapie a commencé en 2e ligne, avec 3 essais de phase 3 qui ont montré la supériorité des anti- PD(L)-1 sur la survie à long terme (15-20 % de patients en vie à long terme), comparativement au docétaxel. Il est rapidement apparu que le degré d’expression de PDL-1 par la tumeur influe sur l’amplitude du bénéfice, et par ailleurs que certains patients ne bénéficient pas de ce traitement, voire ont un développement accéléré de la tumeur encore mal expliqué, ce qui explique le surcroît de décès à la phase précoce dans certains essais. L’expérience acquise dans les premiers essais a mis à jour les effets secondaires à médiation auto-immune de l’immunothérapie. Très variés, ils surviennent généralement dans les 6 premiers mois, parfois plus tardivement.
En 1re ligne
Le challenge a consisté ensuite à implémenter ces check-point inhibiteurs dans le traitement de 1re ligne des CBNPC. Deux stratégies ont été étudiées, après discussion sur l’inclusion ou non des patients ayant une addiction oncogénique (souvent non fumeurs, avec charge mutationnelle faible) :
– remplacement de la chimiothérapie par l’immunothérapie : anti-PD(L)-1 en monothérapie ou anti-CTLA4 + anti-PD(L)-1. L’expérience de la 2e ligne montrait clairement la nécessité de sélectionner sur l’expression de PD-L1 ou sur la charge mutationnelle ;
– ajout d’un anti-PD(L)-1 à la chimiothérapie, sans procéder à une sélection.
Immunothérapie sans chimiothérapie
L’exemple le plus marquant dans le premier cas de figure est celui du pembrolizumab : il a été montré que le seuil de PD-L1 ≥ 50 % était le plus discriminant pour prédire la réponse au traitement, avec une bonne corrélation entre le niveau d’expression de PD-L1 et la probabilité de réponse au traitement. L’étude Keynote 001 montrait que des survies à long terme étaient possibles et fonction du degré d’expression de PD-L1 ; à degré d’expression équivalent, la survie à long terme était plus importante en 1re ligne qu’en 2e ligne, ce qui fournissait un argument de poids pour une immunothérapie d’emblée. Dans l’ensemble des essais réalisés avec les anti-PD-L1, la positivité est clairement liée à la sélection sur l’expression de ce marqueur. L’essai le plus important ayant conduit à l’AMM du pembrolizumab en monothérapie chez les patients ayant une expression de PDL-1 ≥ 50 % est Keynote 024, qui montre une médiane de survie passant de 13 à 26 mois et 32 % de patients vivants à 5 ans, et ce malgré un cross-over de 66 % dans le bras contrôle.
La combinaison anti-CTLA-4 + anti-PD-L1 et la sélection sur deux marqueurs candidats a été testée. L’expression de PD-L1 et la charge mutationnelle (TMB) ont été explorées dans l’étude de phase 2 CheckMate 568 qui a montré un pouvoir de discrimination très proche des patients répondeurs et de la survie sans progression. Les essais conduits avec les combinaisons durvalumab/tremelimumab et nivolumab/ipilimumab ont eu des résultats variables : négatifs pour la 1re en sélectionnant les patients sur l’un ou l’autre des marqueurs. A contrario, l’essai CheckMate 227 qui a sélectionné les patients sur les deux marqueurs montre un bénéfice de survie sans progression chez les patients ayant une charge mutationnelle ≥ 10 mut/Mb et de survie globale en cas de PD-L1 ≥ 1 % ; en fait, la prédiction du bénéfice de survie comparativement à la chimiothérapie ne repose pas sur l’expression de PD-L1, pas plus que la charge mutationnelle ne peut prédire un bénéfice de survie. L’analyse exploratoire chez les patients PD-L1 négatifs, donc à priori peu susceptibles de répondre à cet te immunothérapie, montre une courbe de survie avec une tendance à un plateau avec 34 % de patients vivants à 3 ans. Dans les essais associant anti-CTLA-4/anti-PD1, 30 % des patients ont des effets secondaires grade 3-4, majoritairement cutanés, gastro-intestinaux et endocriniens, et plus fréquents qu’avec les anti-PD1 seuls.
Immunothérapie + chimiothérapie
La stratégie consistant à adjoindre un anti-PD(L)1 à la chimiothérapie, sans sélection des patients, repose sur deux constatations. Sur des tumeurs froides sans évidence de réponse immunitaire antitumorale, la chimiothérapie peut théoriquement déclencher le cycle de la réponse immunitaire antitumorale en entraînant une mort cellulaire immunogène consistant à relarguer des antigènes et surtout des signaux de danger permettant d’activer et recruter des cellules dendritiques et ainsi d’activer le priming puis l’expression clonale des lymphocytes T qui reviennent sur le site tumoral. Cette mort immunogénique est probablement différente selon les cytotoxiques utilisés. La seconde constatation est que la chimiothérapie peut modifier la composition cellulaire du microenvironnement tumoral, avec une déplétion en cellules immunosuppressives au profit des cellules immunocompétentes (T helper ou cytotoxiques).
Les essais ont été réalisés en fonction du type histologique. Pour les cancers épidermoïdes, deux essais sur 3 sont positifs pour la survie globale avec des anti-PD1 ; en revanche, avec l’atezolizumab qui montre un bénéfice en survie sans progression, il n’y a pas de bénéfice de survie. Pour les cancers non épidermoïdes, tous les essais montrent qu’en ajoutant un anti-PD(L)1 à la chimiothérapie, on améliore la survie sans progression de manière très significative ; le bénéfice de survie est significatif dans presque tous les essais. L’essai le plus emblématique est mis en évidence dans Keynote 189 avec le pembrolizumab qui montre une médiane de survie de 22 mois vs 10 mois (OR 0,56), malgré un cross-over vers l’immunothérapie de 55 %. L’amplitude du bénéfice de survie ne dépend pas du degré d’expression de PDL1, mais il y a une amorce de plateau uniquement pour les patients PD-L1 ≥ 50 %. L’ajout de l’immunothérapie n’augmente pas significativement la toxicité de la chimiothérapie, qui ne protège pas de la toxicité auto-immune.
L’essai CheckMate 9LA a testé la combinaison nivolumab/ipilimumab et chimiothérapie vs chimiothérapie, en limitant le nombre de cycles à 2 pour réduire le risque de progression tumorale précoce et la toxicité de la chimiothérapie. L’essai est positif en termes de survie, mais le recul trè s limité, et l’expression de PD-L1 ne modifie pas les résultats. Comparativement à l’immunothérapie seule (CheckMate 227), l’ajout de la chimiothérapie influence les résultats à court terme avec un bénéfice plus important pour la survie sans progression, mais les résultats sont équivalent à plus long terme.
Au total
Le choix du traitement dépend de l’histologie tumorale et du degré d’expression de PD-L1 :
– PDL-1 < 50 % : chimiothérapie + pembrolizumab (l’atezolizumab n’a pas de remboursement dans cette indication) ;
– PD-L1 ≥ 50 % : pembrolizumab en monothérapie ou associé à la chimiothérapie ; l’association ipilimumab/nivolumab + chimiothérapie n’est pas encore remboursée.
D’autres facteurs sont à prendre en compte en pratique courante :
– liés à la maladie : expression de PD-L1, histologie, sites métastatiques, métastases cérébrales, cinétique tumorale, charge mutationnelle, profil mutationnel ;
– liés au patient : âge, performance status, comorbidités, contre-indications à l’immunothérapie, tabagisme ;
– comédications : corticoïdes, antibiotiques, IPP.
PD-L1 ≥ 50 % : monothérapie ou association ? Il n’y a pas encore de comparaison directe entre ces deux options. L’ajout de la chimiothérapie améliore le taux de réponse, réduit le risque de progression précoce (30 % avec le pembrolizumab en monothérapie vs 10-12 % avec l’association). Sur les bénéfices à plus long terme, 2-3 ans, la proportion de patients en vie est identique. L’adjonction d’une chimiothérapie ne semble donc pas augmenter la proportion de patients bénéficiant d’une immunothérapie à long terme.
L’ajout d’un anti-CTLA-4 à l’anti-PD-L1 (essai Keynote 598) ne montre pas de bénéfices en termes de survie vs pembrolizumab seul, mais davantage de toxicité.
La monothérapie apparaît moins toxique que la bithérapie. PD-L1 < 1 % : le traitement standard repose sur la chimiothérapie + anti-PD(L)-1. La combinaison ipilimumab/nivolumab pourrait avoir un intérêt.
D’après la communication de M. Perol « Immunothérapie dans les stades métastatiques »
CPLF 2021
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