Publié le 23 nov 2020Lecture 5 min
Cancer du poumon, une réduction importante de la mortalité grâce au dépistage
Denise CARO, Boulogne-Billancourt
En France, le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer chez l’homme et va bientôt le devenir chez la femme. Il tue dix fois plus que les accidents de la route. Deux paramètres pourraient réduire cette mortalité : la lutte anti-tabac et le dépistage par scanner thoracique. Dans quelles conditions ce dépistage pourrait-il être mis en œuvre et avec quels résultats ?
Actuellement, trois fois sur quatre, le cancer du poumon est diagnostiqué à un stade avancé ou métastatique qui met en jeu le pronostic vital du patient. Avec un dépistage systématique, la majorité des cancers du poumon seraient diagnostiqués à un stade localisé d’un bien meilleur pronostic.
Le scanner thoracique à faible dose et sans injection est l’examen de choix pour ce dépistage. Une étude a comparé la radiographie au scanner chez plus de 50 000 patients âgés de 55 à 74 ans qui fumaient plus de 30 paquets-années ou anciens fumeurs sevrés depuis moins de 15 ans. Les examens d’imagerie ont été pratiqués deux ans de suite puis tous les 3 ans. Après 6,5 ans en moyenne de suivi, les auteurs ont observé une réduction de la mortalité de 20 % dans le groupe scanner par rapport au groupe radiographie(1).
L’étude observationnelle Nelson s’est également penchée sur l’intérêt du scanner thoracique pour dépister le cancer du poumon dans une population à risque. Près de 8 000 patients, âgés de 50 à 74 ans, fumant plus de 15 cigarettes par jour depuis plus de 25 ans ou plus de 10 cigarettes par jour depuis 30 ans ou ayant arrêté leur consommation depuis moins de 10 ans, ont bénéficié d’un scanner thoracique, renouvelé l’année suivante et ensuite 2 ans plus tard, avant d’être suivis 10 ans. Des résultats intermédiaires montrent une réduction de 26 % de mortalité chez les hommes. Des résultats définitifs seront bientôt publiés(2).
Les données issues de ces deux études sont confirmées dans deux métaanalyses récentes(3,4). Elles ont par ailleurs permis de définir les modalités du dépistage : réalisation d’un scanner thoracique faible dose sans injection deux fois espacés d’un an puis tous les 2 ans, chez les personnes de 50 à 70 ans qui fument plus de 15 cigarettes par jour depuis 25 ans ou plus de 10 cigarettes par jour depuis 30 ans ou qui ont arrêté depuis moins de 10 ou 15 ans ; les candidats participants doivent être informés des conséquences du dépistage et mis sur la voie du sevrage tabagique(5).
Conduite à tenir face à un nodule
Les lésions élémentaires recherchées sont de trois types : un nodule solide, un nodule mixte et un nodule en verre dépoli. La conduite à tenir face à l’une ou l’autre de ces images est bien codifiée. Ainsi, face à un nodule solide non calcifié d’aspect bénin, on se contente de poursuivre le dépistage les années suivantes. S’il y a un doute sur sa bénignité, on tient compte de son volume :
– < 50 mm3 on poursuit le dépistage ;
– de 50 à 500 mm3 on refait un scanner à 3 mois ;
– > 500 mm3 ou > 10 mm de long le patient est orienté vers un spécialiste.
Un temps de doublement volumique supérieur à 400 jours est en faveur de la bénignité ; un nodule qui double de volume en moins de 400 jours est suspect d’être cancéreux. Face à un nodule en verre dépoli, la conduite à tenir est fonction de sa taille et de son temps de doublement :
– < 8 mm, le résultat est supposé négatif et cela est confirmé si temps de doublement est > 400 jours ;
– > 8 mm, on refait un scanner à 3 mois ; si le temps de doublement est < 400 jours, le nodule est suspect et le patient est adressé à un spécialiste.
Le faible taux d'adhésion de la paopulation
En dépit de la somme de données prouvant l’efficacité du scanner thoracique sur la réduction de la mortalité dans une population cible, il est surprenant de constater que dans les pays où le dépistage systématique est mis en place, il remporte une très faible adhésion. Une étude a analysé l’évolution des dépistages des différents cancers aux États-Unis depuis 1987. Le dépistage du cancer du col est relativement stable depuis la fin des années 80 autour de 75 % ; celui du cancer du sein a fortement progressé entre 1987 et 2000 puis est resté stable autour de 70 % ; le dépistage du cancer colorectal a débuté en 2000 et atteint 60 % de la population cible vers 2016 avec actuellement un plateau. Enfin, le dépistage du cancer du poumon a débuté en 2016 avec un taux d’adhésion de 1,9 % de la part de la population cible et n’est que de 3,4 % en 2017(6).
Les difficultés de mise en œuvre
En France, le dépistage n’a pas été mis en place. En effet en 2016, la HAS a estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour un dépistage chez les fumeurs (1,6 à 2,2 millions de personnes), en raison d’un trop faible effectif de scanners (1 200) et de radiologues (8 700) et des difficultés qui subsistent pour l’organisation du chemin clinique en amont (comment faire entrer les bons patients dans le dépistage ?) et en aval (une fois qu’on a dépisté une anomalie, qui fait quoi et comment ?). De nombreuses pistes sont étudiées pour résoudre ces différents problèmes. Des formules de calcul de risque pourraient être utiles pour cibles les populations à dépister(7). Une signature biologique du cancer (recherche dans le sang d’ADN, d’ARN, de protéines ou de cellules cancéreuses) pourrait aussi apporter des informations précieuses. Encore faut-il savoir préciser à quoi sert tel ou tel marqueur (à cibler qui dépister, à classifier le risque, à classer les anomalies) et pouvoir y recourir en pratique quotidienne (ce qui n’est pas le cas)(8). Par ailleurs, grâce à ses algorithmes, l’intelligence artificielle peut aider à détecter les nodules ; la sensibilité de la « Computer Aided Detection » (CADe) est de 98 %, alors que celle d’une double lecture humaine est de 80 %. Et une fois le nodule repéré, le « Computer Aided Diagnostic » (CADx) peut aider à distinguer les lésions bénignes des cancers. Google s’intéresse à la question(9,10).
Des expériences pilotes à suivre
Sur le terrain, quelques expériences montrent la faisabilité du dépistage. Dans la Somme, la mobilisation des médecins généralistes, des pneumologues et des radiologues a permis de mettre en place un dépistage du cancer du poumon avec un taux de participation record de 72 % de la population cible. D’autres solutions ont été imaginées pour améliorer la participation ; le programme Da Capo, plateforme numérique destinée à rendre opérationnel le dépistage du cancer du poumon, vient d’obtenir le soutien de l’INCa. Il va être testé dans les Alpes-Maritimes avant d’être étendu au reste du pays.
D’après la communication du Pr Charles-Hugo Marquette (Nice)
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