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Dermatologie

Publié le 20 juil 2020Lecture 4 min

Carcinomes cutanés : une bonne lecture carcinologique pour établir des marges de sécurité correctes

Denise CARO, Boulogne-Billancourt

Si les marges de sécurité sont assez bien définies concernant le mélanome, des questions se posent souvent en pratique quotidienne au sujet des marges des carcinomes épidermoïdes cutanés (CEC) ou des carcinomes baso-cellulaires (CBC). Comment interpréter le compte rendu histologique de la pièce opératoire, et quand faut-il reprendre chirurgicalement l’exérèse ?

L’objectif de l’ablation chirurgicale d’un cancer cutané est d’obtenir la radicalité carcinologique. Pour cela deux options sont théoriquement possibles. La première, dite chirurgie de Mosh, associe une analyse microscopique et topographique de la totalité de la pièce d’excision. Elle est longue et difficile à mettre en oeuvre en pratique quotidienne. Elle est généralement réservée aux formes graves de carcinomes cutanés. La seconde approche, qui est probabiliste, consiste à définir des marges de sécurité cliniques qui ont un fort pourcentage de chances (96 à 98 %) d’assurer une exérèse histologiquement complète. C’est cette deuxième mé thode, dite de marges de sécurité, qui est le plus couramment utilisée pour traiter les carcinomes cutanés. Il convient donc de définir les zones cutanées au-delà des limites visibles de la tumeur que le chirurgien devra enlever pour assurer l’exérèse complète du carcinome et éviter les récidives. De la bonne définition des marges cliniques dépend le succès du traitement. Ces marges cliniques prédéfinies avant l’intervention doivent être consignées dans le compte rendu opératoire. Bien repérer l'extension infra-clinique de la tumeur Dès lors se pose la question de savoir comment faire une bonne lecture carcinologique de la tumeur pour déterminer correctement les marges de sécurité à respecter au cours de l’intervention. Les deux clés d’une analyse correcte reposent sur la vue et le toucher. Il faut un bon éclairage de la zone lésée, éventuellement en utilisant une loupe éclairée ou une lampe frontale et surtout en faisant varier les éclairages afin de parvenir à distinguer une zone d’ex tension infra-clinique. Le médecin est aidé en cela par le toucher. En effet, avec un toucher appuyé en étirant les téguments et en faisant varier l’éclairage on peut découvrir des plaques scléreuses invisibles à l’oeil nu. Cela permet aussi de retrouver une induration, paramètre corrélé à la profondeur de la tumeur. Or la capacité de récidive d’un carcinome dépend davantage des limites profondes de la tumeur que de ses limites latérales. En effet, les critères prédictifs de l’agressivité clinique de la tumeur sont l’ulcération, l’induration, la fixité, les limites floues, les limites non visibles même après étirement ; tandis que l’agressivité histologique repose sur l’infiltration en profondeur(1). La qualité de la lecture carcinologique est étroitement liée à l’expérience du praticien ; la détermination des marges de sécurité est le propre du dermatologue. Le taux d’exérèses incomplètes est 3,8 fois plus élevé si le chirurgien n’est pas spécialisé en dermatologie, simplement parce qu’il fait une moins bonne lecture tumorale(2). Le risque d’exérèse incomplète est multiplié par 6 si le geste est fait par médecin généraliste, et par 2 s’il est réalisé par un plasticien comparé à un dermatologue(3). Interpréter correctement le compte-rendu histologique La question de savoir à quoi attribuer une absence de concordance entre la taille des marges prises au moment de l’exérèse et celle observée sur la pièce opératoire est essentielle. A-t-on mal évalué les limites de la tumeur ? Doit-on reprendre l’exérèse pour la compléter ? Du fait de la rétraction de la pièce opératoire liée aux propriétés biomécaniques de la peau, les marges diminuent de façon normale de 10 à 30 % juste après l’exérèse avant toute fixation dans le formol ; la rétraction est plus importante chez le sujet jeune, sur une peau non insolée, au niveau des membres et des extrémités. Tenant compte de cet élément, il faut savoir lire et interpréter les comptes rendus histologiques de la pièce opératoire. La discussion autour de l’indication d’une reprise chirurgicale se fonde sur l’existence ou non de limites histologiques latérales et profondes saines et de la présence éventuelle de critères péjoratifs comme des embols vasculaires ou/et des engainements périnerveux multiples et importants. À titre d’exemple, une reprise est inutile pour un CEC bien différencié avec des limites histologiques saines (1 mm en profondeur et 5 mm latérales) et sans signes péjoratifs. En revanche, si la tumeur touche les tissus laissés en place en profondeur, il faut réintervenir. On tiendra compte également de la zone et de la difficulté de la reprise. Au niveau de certaines localisations (nez, oreilles) le cartilage n’est pas loin, l’intervention est plus délicate. Si l’exérèse est complète, il est possible de se contenter d’une petite marge histologique. Mais en l’absence de marge, il faut intervenir à nouveau. Certaines situations sont réellement complexes et doivent être discutées en RCP (réunion de concertation pluridisciplinaire). Enfin, J.-M. Amici met en garde vis-à-vis des CBC que l’on croit superficiels, mais qui ne le sont pas ; cela tout particulièrement au niveau des zones à haut risque comme les oreilles, les tempes, les zones péri-oculaires, le nez ou les lèvres et les zones à risque intermédiaire comme le menton, les pommettes, le front ou le cuir chevelu. Il est rare d’avoir de vrais CBC superficiels au niveau du visage. D’une façon générale, un CBC qui récidive après un traitement médical ne doit pas être considéré comme véritablement superficiel et doit être opéré chirurgicalement. D’après la communication de J-M AMICI (Bordeaux) lors de la FMC « Controverses actuelles en onco-dermatologie ». JDP 2019

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