Publié le 19 juin 2019Lecture 7 min
Cancer de l’endomètre - Du traitement conservateur à l’exentération pelvienne
Martin KOSKAS, S. LE BRIS, Juan-Pablo ESTEVEZ, Hôpital Bichat, Paris
Cet article synthétise les récentes recommandations élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et la Société française d’oncologie gynécologique (SFOG), en parallèle à celles élaborées par les sociétés européennes pour la prise en charge chirurgicale du cancer de l’endomètre (tumeurs endométrioïdes et non endométrioïdes).
Le cancer de l’endomètre est le cancer gynécologique pelvien le plus fréquent en France, avec 8 367 nouveaux cas estimés en 2017, avec un âge moyen de survenue de 68 ans.
La proportion de cancers de l’endomètre avant 40 ans est d’environ 5 %.
Devant des métrorragies post-ménopausiques, principal symptôme du cancer de l’endomètre, l’échographie pelvienne (avec sa bonne valeur prédictive négative) demeure l’examen complémentaire de première intention. La biopsie d’endomètre faisant le diagnostic peut utiliser la pipelle de Cormier, la biopsie dirigée ou le curetage biopsique sous hystéroscopie diagnostique, voire l’hystéroscopie opératoire.
Bilan d’extension
C’est l’IRM abdomino-pelvienne incluant les aires ganglionnaires lomboaortiques qui permet d’estimer le stade FIGO (tableau 1).
Ainsi, la profondeur de l’infiltration myométriale, l’atteinte du stroma cervical ou toute atteinte extra-utérine doivent être renseignées. Néanmoins, en raison des fréquentes discordances radio-anatomopathologiques avec le résultat histologique définitif, la décision de traitement adjuvant est fondée sur l’analyse de la (des) pièce(s) opératoire(s). Des groupes de risque croissants d’atteinte ganglionnaire et de récidive sont définis selon le bilan préopératoire ou le diagnostic définitif (tableau 2).
Le TEP scanner doit être envisagé s’il existe un risque élevé d’atteinte ganglionnaire et de récidive. Le dosage du marqueur Ca125 n’est pas recommandé en pratique, mais s’il est élevé il fait suspecter une atteinte ovarienne, ganglionnaire ou péritonéale.
La survie globale à 5 ans du cancer de l’endomètre tous stades confondus est de 76 %. Elle dépend du stade de la maladie : entre 80 et 95 % au stade I, entre 70 et 85 % au stade II, entre 30 et 65 % au stade III et entre 5 et 20 % au stade IV.
Traitement
Chirurgie utérine et annexielle
La chirurgie demeure le traitement de référence tant que le stade et l’état de la patiente le permettent. La voie cœlioscopique est à privilégier. La voie vaginale et la laparotomie sont réservées aux patientes à risque chirurgical, ou en cas de contre-indication à la cœlioscopie (en cas de volume utérin important par exemple).
Les gestes chirurgicaux dépendent du stade tumoral. Concernant les stades i et ii, le traitement de référence est l’hystérectomie totale avec exérèse complète du col, non élargie, sans colpectomie, avec annexectomie bilatérale.
La conservation ovarienne (mais avec salpingectomie) peut être envisagée avant 45 ans en cas de cancer endométrioïde de grade 1 ou 2 si l’infiltration myométriale est inférieure à 50 %, hors risque familial élevé (syndrome de Lynch en particulier).
Une hystérectomie élargie avec colpectomie peut être nécessaire pour garantir le caractère complet de l’exérèse s’il existe une atteinte cervicale (stade II), ou en cas de doute sur l’origine cervicale de la tumeur.
Concernant les stades III et IV, la chirurgie est indiquée uniquement si une exérèse macroscopiquement complète est possible, avec au minimum une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale. Une chirurgie secondaire après réduction tumorale par chimiothérapie et/ou radiothérapie peut être envisagée en cas de risque chirurgical élevé, ou si la chirurgie implique d’emblée une altération importante de la qualité de vie.
Le stade IIIB ne relève généralement pas d’un traitement chirurgical premier, sauf atteinte vaginale limitée. Dans ce cas, on réalisera une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale et colpectomie partielle ou totale. Dans les autres cas, la radio(chimio)thérapie sera préférée. Une chirurgie d’exérèse secondaire sera discutée en cas de réponse incomplète.
Au stade IVA, la stratégie thérapeutique est similaire à la prise en charge du cancer de l’ovaire, à la différence près du recours possible à la radiothérapie en plus de la chimiothérapie. En raison du caractère relativement radiosensible des cancers de l’endomètre, la radio(chimio)thérapie peut être envisagée d’emblée en cas d’atteinte rectale et/ou vésicale (stade IVA). L’exentération pelvienne peut être discutée d’emblée ou en cas d’échec de la radio(chimio)thérapie.
Au stade IVB, une approche multi- modale (association simultanée ou différée de chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie) doit être discutée en RCP spécialisée.
Ganglion sentinelle et curages ganglionnaires
• Aspects techniques
Si un curage ganglionnaire est réalisé, il doit concerner les étages pelvien et lomboaortique (jusqu’à la veine rénale gauche). Le curage pelvien doit inclure les régions iliaques communes et pré-sacrées, mais à l’exclusion du ganglion circonflexe iliaque, rarement atteint isolément et dont l’exérèse majore le risque de lymphœdème.
La chirurgie minimale invasive, par voie transpéritonéale ou extrapéritonéale, doit être privilégiée.
En raison de sa fiabilité démontrée, la technique du ganglion sentinelle peut se substituer à la réalisation d’un curage d’emblée (figure 1). Elle peut utiliser la méthode com -binée isotopique et colorimétrique, ou la fluorescence au vert d’indocyanine. Tous les ganglions sentinelles de premier relais et ceux macroscopiquement ou radiologiquement suspects doivent être prélevés. L’examen extemporané des ganglions sentinelles oriente la suite de la stadification (figure 2).
Ainsi, la technique du ganglion sentinelle présente un triple avantage :
réduction de la morbidité par rapport au curage ganglionnaire ;
identification de relais ganglionnaires aberrants (skip metastasis) ;
ultrastadification avec coupes sériées en cas de négativité à l’examen extemporané.
• Indications
L’indication à explorer les ganglions dépend du stade tumoral et du risque d’atteinte ganglionnaire (tableau 2). La stratification de risque participe également au choix de la technique (ganglion sentinelle ou curage ganglionnaire) :
les curages ne sont pas recommandés en cas de bas risque. La technique du ganglion sentinelle est possible si la taille tumorale dépasse 3,5 cm, sans curage complémentaire en cas d’échec de détection ;
pour les cancers à risque intermédiaire, la procédure du ganglion sentinelle est privilégiée ;
les curages pelviens et lombo-aortiques sont recommandés dans les cancers de stade II ou à haut risque (même si la technique du ganglion sentinelle a été validée dans cette indication) ;
concernant les stades III et IV, si une chirurgie d’exérèse est envisagée, curages pelviens et lomboaortiques sont recommandés.
Le traitement conservateur
Une alternative au traitement chirurgical de référence peut être proposée chez les patientes en âge de procréer ayant un désir de grossesse à court ou moyen terme, présentant une hyper-plasie atypique ou un adénocarcinome endométrial de type 1 de stade ia sans envahissement myométrial (grade 1, voire grade 2).
Ce traitement doit être entrepris dans un centre spécialisé, après avoir pris l’avis et renseigné le cas auprès du registre national PREFERE (PRÉservation de la FERtilité et cancer de l’Endomètre).
Le centre PREFERE est le centre de référence du traitement conservateur du cancer de l’endomètre. Il a notamment pour objectif d’aider les praticiens envisageant de proposer cette prise en charge, mais également d’informer les patientes qui en bénéficient. Le site est consultable à l’adresse suivante : http://hupnvs.aphp.fr/centre-prefere (demande d’avis possible en ligne).
Le traitement conservateur consiste à proposer un protocole conservant l’utérus, fondé sur un traitement hormonal permettant une régression de la lésion endométriale. Le bilan préthérapeutique inclut au minimum une relecture des lames histologiques ayant fait le diagnostic de lésion endométriale, un bilan de fertilité et une IRM pelvienne vérifiant l’absence d’envahissement myométrial et d’atteinte annexielle ou ganglionnaire.
La prise en charge initiale débute par un échantillonnage endométrial par hystéroscopie opératoire. La résection complète en cas d’atteinte diffuse de la cavité n’est pas recommandée en raison du risque de synéchies, mais en cas de lésion polypoïde, une résection macroscopiquement complète (incluant la base d’implantation de la lésion) est nécessaire. Le traitement médical associé consiste en l’administration d’un progestatif oral. Un dispositif intra-utérin au lévonorgestrel constitue théoriquement une alternative efficace, puisqu’il présente l’intérêt d’une délivrance locale de progestatif en diminuant les effets secondaires des progestatifs oraux. Toutefois, plusieurs cas de progression avec dispositif intra-utérin au lévonorgestrel ou de difficultés de surveillance liées à la présence du dispositif intra-utérin ont été rapportés.
Des biopsies guidées par hystéroscopie sont effectuées à 3 et 6mois, puis tous les 3-4 mois. La grossesse est autorisée après au moins 3 mois de traitement, si la rémission des lésions est prouvée histologiquement. Dans cette circonstance, il n’existe pas de contre-indication à une stimulation de l’ovulation sur le seul motif de l’antécédent de lésion endométriale cancéreuse ou précancéreuse. L’hystérectomie est finalement indiquée en cas de progression des lésions tumorales, de non-rémission des lésions à 12 mois et en cas de succès ou d’abandon du projet de grossesse.
Suivi
Les données de la littérature ne soutiennent pas le principe d’une surveillance active avec la réalisation d’examens paracliniques systématiques (frottis vaginaux, examen d’imagerie). Le dosage du CA125 n’est pas non plus recommandé en routine, mais peut être demandé pour les types séreux, sans preuve du bénéfice thérapeutique.
Publié dans Gynécologie Pratique
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