Publié le 10 jan 2020Lecture 7 min
Actualité du cancer bronchique à l’ESMO
Catherine LAMBERT, Paris
Cette année, le congrès de l’ESMO (European Society for Medical Oncology) s’est tenu à Barcelone du 27 septembre au 1er octobre avec une place de choix accordée au cancer bronchique. Loin d’être exhaustif, Cancérologie Pratique en rapporte quelques morceaux choisis.
Vers une double immunothérapie de première ligne ?
Largement commentée au cours de ce congrès, l’étude CheckMate-227 a comparé en première ligne une immunothérapie associant à faibles doses le nivolumab (anti-PD-L1 ; Nivo) et l’ipilimumab (anti-CTLA-4 ; Ipi) à une chimiothérapie chez des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) métastatique. Le design de cette étude présentée par S. Peters (Lausanne, Suisse)(1) et simultanément publiée dans le New England Journal of Medicine(2) était complexe (figure 1) et à ce titre critiqué par certains commentateurs. Deux bras de patients ont en effet été randomisés avec chacun trois groupes différents. Ceux ayant un PD-L1 ≥ 1 % (n = 1 189) ont été répartis en trois groupes recevant : Nivo + Ipi (n = 396), chimiothérapie (n = 397) ou Nivo seul (n = 396). Les patients présentant un taux de PD-L1 < 1 % (n = 550) ont reçu soit : Nivo + Ipi (n = 187), chimiothérapie (n = 186) ou chimiothérapie + Nivo (n = 177). Ce design a évolué au cours de l’étude, la première phase ayant eu pour objectif de tester différentes posologies du Nivo par rapport à la chimiothérapie chez des patients ayant un PD-L1 ≥ 1 %.
Figure 1. Design de l’étude Checkmate 227.
Des premiers résultats de cet essai avaient été présentés deux ans auparavant et avaient montré que les sujets ayant une charge mutationnelle (TNB) élevée avaient une meilleure survie sans progression (PFS), mais ce bénéfice ne s’était pas confirmé en termes de survie globale (OS). Les données communiquées à l’ESMO concernaient le critère principal de l’étude qui était la comparaison de la double immunothérapie vs la chimiothérapie chez des patients avec PD-L1 ≥ 1 % avec une durée minimale de suivi de 29 mois. Les premiers ont eu une médiane de survie de 17,1 mois (IC95% : 15-20,1) en moyenne contre 14,9 mois (IC95% : 12,7-16,7) pour ceux recevant la chimiothérapie (HR : 0,79 ; p = 0,007). On note que les courbes se croisent après les 6 premiers mois puis restent séparées par la suite. De façon plus surprenante, des résultats positifs ont également été enregistrés dans l’autre bras, chez les patients ayant un taux de PD-L1 < 1 % avec une médiane de survie de 17,2 mois vs 12,2 mois. Et si l’on prend en compte l’ensemble de la population incluse dans cet essai, indépendamment du statut PD-L1, on retrouve un bénéfice avec 17,1 mois de médiane de survie pour la double immunothérapie comparée aux 13,9 mois pour la chimiothérapie. Dans le premier groupe, la durée de réponse était prolongée de 18 mois en moyenne, alors qu’elle n’est que de 5 mois pour la chimiothérapie. Sur le plan de la tolérance, aucun signal de sécurité préoccupant n’a été rapporté. Il n’existe cependant pour l’heure aucun critère permettant de sélectionner les patients qui pourraient bénéficier de cette double immunothérapie dans la mesure où ni le taux de PD-L1 ni le TNB ne sont prédictifs de la réponse.
CBNPC EGRF muté : les résultats matures de l'étude FLAURA
Également présentés au cours du symposium présidentiel par Suresh S. Ramalingam (Atlanta, États-Unis)(3) les résultats d’OS de l’étude FLAURA ont permis de confirmer le bénéfice observé sur la PFS. Cette étude de phase III a comparé en première ligne de traitement l’osimertinib (n = 279), un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de troisième génération, à des ITK de première génération (gefitinib et erlotinib ; n = 277) chez 556 patients présentant un CBNPC métastasé EGFR muté. On sait que l’osimertinib présente une action sur les mutations de résistance T790M et que sa diffusion cérébrale est bonne. Les résultats connus depuis 2017 concernaient le critère primaire de cet essai, qui était la survie sans progression, avec une moyenne de 18,9 mois (IC95% : 15,2-21,4) vs 10,2 (IC95% : 9,6-11,1) mois avec un ITK classique (HR : 0,46 ; IC 95% : 0,37-0,57 ; p < 0,0001)(4), un bénéfice constaté quel que soit le sous-groupe. Les données de survie globale viennent conforter ces premiers résultats positifs avec une OS moyenne de 38,6 mois (IC 95% : 34,5-41,8) pour les patients recevant l’osimertinib comparé à 31,8 mois (IC 95% : 26,6-36) avec les deux autres ITK (HR : 0,79 ; IC95% : 0,64-0,99 ; p = 0,0462), soit un gain d’environ 7 mois (figure 2).
Figure 2. étude FLAURA.
Les courbes se séparent dès les premiers mois et le restent tout au long du suivi. L’analyse de sous-groupe révèle un bénéfice de survie globale pour chacun d’entre eux, mais avec une amplitude moindre chez les sujets asiatiques, comparé aux non asiatiques, ainsi que chez ceux présentant une mutation de l’exon 21 par rapport à celles de l’exon 19. La nécessité d’une deuxième ligne de traitement s’est imposée en moyenne à 25,5 mois (IC95% : 22-29,1) chez les patients ayant reçu de l’osimertinib en première ligne, alors qu’elle s’est avérée nécessaire en moyenne à 13,7 mois (IC95% : 12,3-15,7) dans l’autre groupe. À trois ans, 28 % des patients du groupe osimertinib recevaient encore ce traitement, témoignant d’une réponse prolongée, contre seulement 9 % pour l’erlotinib ou le gefitinib dans le bras standard. La tolérance est bonne mais avec une majorité d’effets indésirables de grade 1 ou 2 observés, essentiellement d’ordre digestif ou cutané, et une toxicité hépatique moindre comparée à celle des générations précédentes, et ce malgré une durée d’exposition plus longue. Au total, ces résultats sont de nature à modifier les recommandations thérapeutiques chez les patients ayant un CBNPC EGFR muté.
Les cancers bronchiques à petites cellules
Le pronostic de ces cancers bronchiques à petites cellules (CBPC) reste sombre avec des moyennes de survie globale de l’ordre de 8 à 10 mois chez des patients ayant reçu une chimiothérapie à base de sels de platine. L’immunothérapie semble s’affirmer comme une stratégie thérapeutique intéressante comme l’ont montré 2 études présentées au cours de ce congrès(5,6). L’étude CASPIAN a comparé une chimiothérapie étoposide-platine seule toutes les 3 semaines (n = 269) à son association avec le durvalumab 1 500 mg (n = 268). On connaissait déjà les données pour le critère principal montrant une OS moyenne à 10,3 mois (IC95% : 9,3-11,2) pour le traitement standard comparé à 13 mois pour l’association à l’immunothérapie (IC95% : 11,5-14,8) (HR : 0,73 ; p = 0,0047). Les données complémentaires présentées à l’ESMO montrent que dans le bras chimiothérapie seule, les récidives étaient plus fréquemment métas tatiques (47,2 % vs 41,4 % respectivement). Toutefois la fréquence des métastases cérébrales était identique dans les deux groupes (11,5 % vs 11,6 % respectivement). Chez ces patients, la plupart des tumeurs ont un statut PD-L1 < 1 %, mais ce critère n’est pas prédictif de la réponse au durvalumab. Enfin, la qualité de vie globale était améliorée chez les patients bénéficiant de l’association chimiothérapie/immunothérapie, ainsi que la qualité de vie physique, fonctionnelle ou sociale.
La deuxième étude, IMPOWER 133 a comparé l’atézolizumab (Atézo) (n = 201) au placebo (n = 202) en association à la chimiothérapie par carboplatine et étoposide chez 403 patients ayant un carcinome à petites cellules métastatique. Les résultats qui avaient déjà été publiés montraient un bénéfice de 2 mois en moyenne sur la survie globale avec l’association Atézo chimiothérapie : 12,3 mois (IC95% : 10,8-15,8) vs 10,3 mois (IC95% : 9,3-11,3). Chez ces patients qui sont souvent des fumeurs, la charge mutationnelle (TMC) est fréquemment élevée, mais là encore ce critère n’était pas prédictif de la réponse, de même que le statut PD-L1.
Quoi qu’il en soit, ces deux études imposent un nouveau standard thérapeutique chez les patients avec cancer bronchique à petites cellules qui doivent bénéficier en première intention d’une chimiothérapie platine-étoposide associée à une immunothérapie par durvalumab ou atézolizumab.
Deux études concernant le mésothéliome
La première, l’étude PROMISE(7), a été conduite par la plateforme européen ETOP (European Thoracic Oncology Plateform). Il s’agit d’une étude de phase III qui a randomisé, en deuxième et troisième ligne de traitement le pembrolizumab, comparé à une monochimiothérapie vinorelbine ou gemcitabine. L’hypothèse testée dans cet essai était ambitieuse, puisque les investigateurs envisageaient jusqu’à 6 mois en moyenne de survie sans progression. Il n’en a rien été, les résultats ayant montré que la PFS n’était pas différente de celle obtenue avec la chimiothérapie, de même que la survie globale avec deux courbes strictement superposables et une médiane de survie ne dépassant pas 11,5 mois.
Ces résultats tranchent avec ceux de l’étude française qui a été présentée par Gérard Zalcman(8) (Hôpital Lariboisière, Paris). Elle a comparé un traitement par nivolumab en monothérapie, à une double immunothérapie par nivolumab (2 semaines) puis ipilumab (6 semaines) chez moins 108 premiers patients traités en deuxième ou troisième ligne. Le critère primaire de l’étude qui fixait un contrôle à 12 s chez plus de 40 % des patients, a été positif dans les deux bras : 44,4 % des patients dans le groupe Nivo atteignait cet objectif et 50 % dans le groupe Nivo + Ipi. Les données d’OS mettent en évidence des résultats très encourageants avec une survie à 2 ans chez 25 % des patients traités par Nivo et 37,2 % de ceux ayant reçu le traitement séquentiel.
Toutefois une analyse des volumes montre une fonte spectaculaire et rapide de la tumeur chez certains d’entre eux alors que d’autres présentent des augmentations de taille tout aussi impressionnantes (> 120 %). Ces hyperprogressions ont un impact très péjoratif sur la survie, en particulier dans le groupe Nivo seul. Un contrôle précoce semble nécessaire pour identifier ces patients.
Publié dans OPA Pratique
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